Le référé mesures utiles ne peut avoir pour objet de s’opposer à une décision administrative, à moins qu’il ne s’agisse de prévenir un péril grave
CE, 17 août 2022, Société anonyme Orange et autres, req. n° 464622
Pour mémoire, l’article L. 521-3 du code de justice administrative dispose-t-il que :
« En cas d’urgence et sur simple requête qui sera recevable même en l’absence de décision administrative préalable, le juge des référés peut ordonner toutes autres mesures utiles sans faire obstacle à l’exécution d’aucune décision administrative ».
Par un arrêt du 17 août 2022, le Conseil d’Etat a précisé le régime juridique du référé mesures utiles et ses conditions de recevabilité, en appliquant le considérant de principe suivant :
« Saisi sur le fondement de l’article L. 521-3 du code de justice administrative d’une demande qui n’est pas manifestement insusceptible de se rattacher à un litige relevant de la compétence du juge administratif, le juge des référés peut prescrire, à des fins conservatoires ou à titre provisoire, toutes mesures que l’urgence justifie, notamment sous forme d’injonctions adressées à l’administration, à la condition que ces mesures soient utiles, ne se heurtent à aucune contestation sérieuse et ne fasse pas obstacle à l’exécution d’une décision administrative, même celle refusant la mesure demandée, à moins qu’il ne s’agisse de prévenir un péril grave. En raison du caractère subsidiaire du référé régi par l’article L. 521-3, le juge saisi sur ce fondement ne peut prescrire les mesures qui lui sont demandées lorsque leurs effets pourraient être obtenus par les procédures de référé régies par les articles L. 521-1 et L. 521-2 du même code ».
Dans le cas d’espèce qui lui était soumis, le Conseil d’Etat a été amené à se prononcer sur la validité du recours au référé mesures utiles intenté par un groupement agricole d’exploitation en commun (ci-après, « le GAEC ») aux fins de solliciter l’arrêt momentané du fonctionnement d’une antenne de radiotéléphonie mobile, en raison des troubles occasionnés par cette installation à son cheptel.
En première instance, le juge des référés du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand avait fait droit à la demande du GAEC et avait enjoint à l’Etat et à la société Orange « d’arrêter le fonctionnement » de cette antenne de radiotéléphonie mobile pendant une durée de deux mois, le temps d’une expertise judiciaire.
Avant d’en venir à la question qui nous intéresse, le Conseil d’Etat a, dans un premier temps, confirmé la compétence de la juridiction administrative pour se prononcer sur la suspension du fonctionnement d’une antenne de radiotéléphonie, en raison de la police spéciale des communications électroniques confiée à l’Etat.
Dans un second temps, le Conseil d’Etat a jugé qu’il ne peut pas être fait droit à la demande de suspension du fonctionnement des stations radioélectriques de téléphonie mobile dont il est saisi sur le fondement de l’article L. 521-3 du code de justice administrative, dans la mesure où cette demande a pour objet de faire obstacle à l’exécution d’une décision administrative, quand bien même son caractère serait provisoire :
« En second lieu, pour faire droit à la demande de suspension du fonctionnement des stations radioélectriques de téléphonie mobile dont il était saisi sur le fondement de l’article L. 521-3 du code de justice administrative, le juge des référés du tribunal administratif de Clermont-Ferrand s’est fondé sur ce que la mesure demandée ne faisait pas obstacle à l’exécution d’une décision administrative compte tenu de son caractère provisoire. En statuant ainsi, alors que la limitation dans le temps de l’effet de la mesure demandée est, par elle-même, sans incidence sur l’appréciation du respect de cette condition posée par l’article L. 521-3 du code de justice administrative, le juge des référés, qui n’a, par ailleurs, pas caractérisé l’existence d’un péril grave susceptible de justifier le prononcé d’une mesure sur le fondement de ces dispositions, a commis une erreur de droit. Par conséquent, sans qu’il besoin de se prononcer sur les autres moyens des pourvois, son ordonnance doit être annulée ».
Ainsi, considérant que le juge des référés de première instance a commis une erreur de droit, le Conseil d’Etat annule l’ordonnance attaquée.
Enfin, décidant de régler l’affaire en application des dispositions de l’article L. 821-2 du code de justice administrative, le Conseil d’Etat précise que, pour pouvoir se prononcer sur la demande du GAEC, il aurait fallu que ce dernier passe par la voie du référé suspension, et non pas par celle du référé mesures utiles :
« 9. Faire droit à la demande du GAEC de Coupet impliquerait la suspension de la mise en œuvre des obligations résultant des décisions de l’ARCEP et de l’arrêté interministériel du 12 juillet 2019 mentionnés ci-dessus à l’exécution desquels elle ferait obstacle et qui ne peut être obtenue selon la procédure de référé régie par l’article L. 521-3 du code de justice administrative, à moins qu’il ne s’agisse de prévenir un péril grave. À cet égard, si le GAEC fait état d’un taux de mortalité important dans son cheptel, il ne l’établit pas, un tel péril grave n’étant pas non plus caractérisé par les conséquences économiques de la baisse de la production laitière et de sa qualité. Au surplus, il appartient au GAEC de Coupet, s’il s’y croit fondé, de rechercher les effets de la mesure qu’il demande en contestant, par la procédure de référé régie par l’article L. 521-1 du code de justice administrative, le refus qui a pu être opposé par l’autorité compétente à la demande mentionnée au point 4. Par suite, la demande présentée par le GAEC de Coupet doit être rejetée, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres conditions posées par l’article L. 521-3 du code de justice administrative ».
CE, 17 août 2022, Société anonyme Orange et autres, req. n° 464622