Par une décision en date du 4 mars 2021, le Conseil d’Etat considère que les contrats d’émission et de distribution de chèques emploi-service universels sont des marchés publics dès lors que le cocontractant ne supporte aucun risque d’exploitation.
En l’espèce, le département de la Loire a lancé une procédure de passation d’un accord cadre ayant pour objet l’émission et la distribution de titres de paiement au profit des agents départementaux. Les lots n° 2 à 6 ont fait l’objet d’une consultation sans publicité ni mise en concurrence préalables.
Dans ce contexte, le Département de la Loire a invité la société Endered France à présenter une offre pour les lots n° 2 à 6. Cette dernière société a informé le département qu’elle ne souhaitait pas présenter d’offre et a saisi le juge du référé précontractuel du tribunal administratif de Lyon, lequel a annulé les procédures de passation des lots n° 2, 3, 5 et 6.
Trois problématiques principales sont soumises au juge administratif :
En premier lieu, il appartient au Conseil d’Etat de se prononcer sur la qualification du contrat en question. Pour ce faire, la Haute juridiction rappelle les définitions des marchés publics et des concessions, respectivement prévues par les dispositions des articles L. 1111-1 et L. 1121-1 du code de la commande publique. Au cas présent, il considère ce qui suit :
« Si les stipulations du projet de contrat ne font pas obstacle à ce que (…) le cocontractant qui projette d’exécuter le service prélève une commission à l’occasion du remboursement des titres aux personnes physiques ou morales les ayant acceptés en paiement ou place les sommes versées par le département durant le laps de temps précédant leur remboursement, le coût de l’émission des titres et de leur distribution est intégralement payé par le département et le cocontractant bénéficie, à titre de dépôt, des fonds nécessaires pour verser leur contre-valeur aux personnes physiques ou morales auprès desquelles les titres seront utilisés. Il résulte de ce qui précède que le cocontractant ne supporte aucun risque d’exploitation. Dans ces conditions, le contrat en litige ne revêt pas le caractère d’un contrat de concession, mais celui d’un marché public ».
En deuxième lieu, le Conseil d’Etat expose la méthode d’évaluation de la valeur estimée du besoin pour le marché en cause. En application des dispositions des articles R. 2121-1 ; R. 2121-3 ; R. 2121-4 R. 2121-6 et R. 2121-8 du code de la commande publique, « l’acheteur doit prendre en compte, outre les frais de gestion versés par le pouvoir adjudicateur, la valeur faciale des titres susceptibles d’être émis pour son exécution, somme que le pouvoir adjudicateur doit payer à son cocontractant en contrepartie des titres mis à sa disposition ».
En troisième lieu, le Conseil d’Etat précise la notion de lésion. Pour rappel, le Département avait sollicité la société Endered dans le cadre d’une procédure sans publicité ni mise en concurrence. Cette dernière avait décliné cette proposition en l’informant qu’elle ne souhaitait pas présenter d’offre. Pourtant cette même société a saisi le juge des référés précontractuels. S’agissant précisément de la lésion de la société requérante, le Conseil d’Etat juge que :
« la société Edenred France a été dissuadée de présenter une offre par l’irrégularité dont elle considérait que la procédure était entachée, qui conduisait à ce que la passation des lots en litige soit dispensée de formalités de publicité et de mise en concurrence. En estimant, par une ordonnance qui est suffisamment motivée, que la société Edenred France était susceptible d’être lésée par ce manquement, alors même qu’elle avait été invitée à se porter candidate par le département de la Loire, le juge des référés a exactement qualifié les faits qui lui étaient soumis ».
CE, 4 mars 2021, Département de la Loire, req. n° 438859