Cass., 3e civ., 13 juillet 2022, n° 19-20231
Par un arrêt du 13 juillet 2022 publié au bulletin, la Cour de cassation a précisé les conditions d’application de la responsabilité civile décennale prévue par l’article 1792 du code civil à des désordres affectant des éléments d’équipement adjoints à l’ouvrage existant.
Pour mémoire, l’article 1792 du code civil pose le principe selon lequel tout constructeur d’un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l’acquéreur de l’ouvrage, des dommages, même résultant d’un vice du sol, qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou qui, l’affectant dans l’un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement, le rendent impropre à sa destination. Néanmoins, il est admis que le constructeur n’engage pas sa responsabilité s’il est démontré que les dommages proviennent d’une cause étrangère.
En application de cet article, il ressort d’une jurisprudence constante que les désordres affectant des éléments d’équipement, dissociables ou non, d’origine ou installés sur existant, relèvent de la responsabilité décennale lorsqu’ils rendent l’ouvrage dans son ensemble impropre à sa destination (v., en ce sens : Cass., 3e Civ., 15 janvier 2017, n° 16-19640 ; Cass., 3e Civ., 14 septembre 2017, n° 16-17323 ; Cass., 3e Civ., 26 octobre 2017, n° 16-18120 ; Cass., 3e Civ.,7 mars 2019, n° 18-11741).
Toutefois, s’agissant des éléments adjoints à l’existant, la Cour de cassation rappelle que cette règle ne vaut que lorsque les désordres trouvent leur siège dans un élément d’équipement au sens de l’article 1792-3 du code civil, c’est-à-dire un élément destiné à fonctionner (v., en ce sens : Cass., 3e Civ., 13 février 2020, pourvoi n° 19-10.249).
Ainsi, il en résulte que les désordres, quel que soit leur degré de gravité, affectant un élément non destiné à fonctionner, adjoint à l’existant, relèvent exclusivement de la responsabilité contractuelle de droit commun du constructeur ou réputé constructeur.
En l’espèce, les acquéreurs d’une maison d’habitation se sont plaints auprès des vendeurs, lesquels avaient réalisés des travaux de rénovation six ans avant la vente, de remontées d’humidité affectant notamment le carrelage et des cloisons en plâtre.
Par un arrêt du 30 avril 2019, la Cour d’appel de Besançon a condamné les vendeurs sur le fondement de la responsabilité décennale, considérant que, si le carrelage collé sur une chape et les cloisons de plaques de plâtre sont des éléments dissociables de l’ouvrage, dès lors que leur dépose et leur remplacement peuvent être effectués sans détérioration de celui-ci, les désordres les affectant rendent l’ouvrage dans son ensemble impropre à sa destination.
La Troisième chambre civile censure cette interprétation, estimant au contraire que le carrelage et les cloisons, adjoints à l’existant, ne sont pas destinés à fonctionner, de sorte que la responsabilité décennale des vendeurs ne pouvait être engagée.
Dans ces conditions, la Cour de cassation casse et annule l’arrêt attaqué.
Cass., 3e civ., 13 juillet 2022, n° 19-20231