Par deux arrêts en date du 25 avril 2022, la Cour administrative d’appel de Marseille a eu l’occasion de réaffirmer les règles de compétence juridictionnelle concernant les contrats de droit privé conclus entre l’exploitant d’un service public à caractère industriel et commercial et ses usagers, ou s’agissant des créances en découlant.
En l’espèce, la commune de Monêtier-les-Bains avait conclu avec la Compagnie Fermière des Grands Bains (CFGB), une convention d’affermage portant sur l’exploitation du centre thermoludique « Les Grands Bains du Monêtier », pour une durée du huit ans à compter du 1er août 2008, convention qui est arrivée à son terme le 31 juillet 2016.
Dans la première affaire : la commune ayant repris la gestion du centre thermoludique en régie directe a émis – après un premier titre de recettes retiré en raison d’une erreur sur le montant de la créance – un titre exécutoire, le 27 décembre 2016, mettant à la charge de la société CFGB la somme de 159 308,73€ correspondant :
La Cour administrative d’appel, pour annuler le jugement du Tribunal administratif ayant déchargé la société CFGB de cette somme, a d’abord rappelé qu’ « en matière de titres exécutoires, la compétence juridictionnelle dépend de la nature, administrative ou civile, de la créance dont le titre exécutoire a pour objet de poursuivre le recouvrement ».
Elle a ensuite considéré qu’en l’espèce, aucune des créances ne trouvait son fondement dans le contrat d’affermage : (i) les créances relatives aux congés payés et heures supplémentaires du personnel relèvent de l’article L. 1224-2 du code du travail qui prévoit que l’ancien employeur doit les rembourser au nouvel employeur, et (ii) la créance correspondant aux recettes tirées de la vente de titres d’accès prépayés trouve son fondement « dans les contrats de droit privé conclus entre la Compagnie Fermière des Grands Bains et les usagers du service public industriel et commercial, lesquels ressortissent également à la compétence des juridictions de l’ordre judiciaire ».
Dans la seconde affaire : la société fermière avait informé le 12 juillet 2016 son fournisseur d’énergie, la société Engie, que leur contrat de fourniture d’énergie électrique serait transféré de plein droit à compter du 1er août 2016 à la commune du Monêtier-les-Bains reprenant l’exploitation du centre en régie directe, et réclamé un état de facturation. La société Engie lui a alors adressé une facture comprenant 22 575€ pour la consommation du mois de juillet 2016, mais également un montant de 56 391€ au titre d’une indemnité de rupture anticipée du contrat de fourniture, indemnité que la société CFGB a refusé de payer.
Condamnée par le tribunal de commerce de Paris à verser cette somme, l’appel de ce jugement étant actuellement pendant devant la Cour d’appel de Paris, la société CFGB avait parallèlement sollicité du Tribunal administratif de Marseille qu’il condamne la commune à la garantir des condamnations prononcées à son encontre par les juridictions de l’ordre judiciaire. Elle fut cependant déboutée de cette demande par un jugement en date du 4 février 2020, dont elle a relevé appel.
La Cour administrative d’appel de Marseille a finalement jugé que « le contrat conclu entre Engie et la société Compagnie Fermière des Grands Bains étant un contrat de droit privé conclu entre le gestionnaire d’un service public à caractère industriel et commercial et son usager, la question relative à l’étendue de la subrogation de la commune dans les obligations nées de ce contrat ressortit nécessairement à la compétence des juridictions de l’ordre judiciaire ».
Par ces deux arrêts qui ne manquent pas de rappeler que les litiges nés d’un contrat SPIC-usager ressortissent à la compétence des juridictions de l’ordre judiciaire, la Cour administrative d’appel de Marseille a donc censuré les jugements entachés d’incompétence.
CAA Marseille, 25 avril 2022, req. n° 20MA01190
CAA Marseille, 25 avril 2022, req. n° 20MA01651