CE, 19 juillet 2022, M. B c/ Ministère du travail, du plein emploi et de l’insertion, req. n° 438076, mentionné aux tables du Recueil Lebon
Saisi d’une demande tendant à l’annulation de l’arrêt de la cour administrative d’appel de Douai du 28 novembre 2019, le Conseil d’État est venu apporter d’utiles précisions concernant l’obligation de reclassement incombant à l’employeur qui envisage de licencier pour inaptitude physique un salarié protégé.
Par une décision du 6 août 2015, l’inspectrice du travail de l’unité territoriale du Nord a autorisé la société United Biscuits Industries à licencier pour inaptitude M. B, salarié protégé. Après avoir vu son recours hiérarchique rejeté par la ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, M. B a saisi le tribunal administratif de Lille d’une demande tendant à l’annulation de ces deux décisions. Débouté en première instance puis en appel, M. B a décidé de saisir le Conseil d’Etat d’un pourvoi en cassation dirigé contre l’arrêt de la cour administrative d’appel de Douai du 28 novembre 2019.
Pour mémoire, rappelons que le code du travail prévoit que le licenciement pour inaptitude physique d’un salarié protégé ne peut intervenir qu’après autorisation de l’inspecteur du travail, étant d’ailleurs précisé que :
– le licenciement ainsi envisagé ne saurait avoir un rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l’appartenance syndicale du salarié ;
– il appartient à l’administration de s’assurer, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, que l’employeur a cherché sérieusement à reclasser le salarié sur d’autres postes appropriés aux capacités de ce dernier, et ce tant au sein de l’entreprise qu’au sein du groupe.
Surtout, dans le cadre de l’affaire commentée, le Conseil d’Etat est venu préciser que l’obligation de recherche de reclassement incombant à l’employeur doit s’effectuer sur des postes faisant l’objet de contrats à durée indéterminée ou encore à durée déterminée. Partant, l’employeur ayant, en application des dispositions des articles L. 1251-1, L. 1251-5 et L. 1251-6 du code du travail, recours au travail temporaire a l’obligation de proposer ces postes au salarié protégé dont le licenciement pour inaptitude est envisagé.
Plus précisément, le Conseil d’Etat a considéré ce qui suit : « qu’il incombe à l’employeur qui envisage de licencier pour inaptitude un salarié bénéficiant d’une protection de procéder, préalablement à son licenciement, à une recherche sérieuse des postes disponibles, quelle que soit la durée des contrats susceptibles d’être proposés pour pourvoir ces postes, et appropriés à ses capacités, en vue de chercher à le reclasser et à éviter autant que de possible son licenciement. Dans l’hypothèse où l’employeur recourt, en application des dispositions citées au point 4, au travail temporaire dans des conditions telles qu’elles révèlent l’existence d’un ou plusieurs postes disponibles dans l’entreprise, peu important qu’ils soient susceptibles de faire l’objet de contrats à durée indéterminée ou déterminée, il lui appartient de proposer ces postes au salarié, pour autant qu’ils soient appropriés à ses capacités. »
Statuant sur les faits de l’espèce, le Conseil d’Etat a considéré que : « Il ressort des énonciations de l’arrêt attaqué que la cour administrative d’appel a relevé, au terme d’une appréciation souveraine des faits de l’espèce exempte de dénaturation, que les contrats de mise à disposition de salariés intérimaires auprès de la société United Biscuits Industries étaient conclus pour des durées très courtes, de deux à trois jours, afin de pallier des absences ponctuelles de salariés ou de faire face à des pointes saisonnières d’activité et présentaient un caractère aléatoire. En en déduisant que M. B… n’était pas fondé à soutenir que les modalités du recours au travail temporaire au sein de l’entreprise révélaient que des postes y seraient, en réalité, disponibles et auraient dû lui être proposés en vue de son reclassement, la cour, qui a suffisamment motivé son arrêt sur ce point, n’a pas commis d’erreur de droit ».