L’installation d’un système de climatisation peut constituer un ouvrage au sens de l’article 1792 du code civil et entraîner en conséquence l’application de la garantie décennale du constructeur

Après acquisition d’un bâtiment afin de l’aménager en hôtel, la société Aza a, dans le cadre des travaux de rénovation et de réhabilitation de cet ouvrage, confié les travaux de conception et d’installation de la climatisation à la société Dim Froid.

Ces travaux ont été exécutés, si bien que l’hôtel a pu ouvrir en septembre 2005.

Néanmoins, la climatisation est tombée en panne en décembre 2009.

La société Aza a une première fois fait appel à la société EG Réfrigération, qui a diagnostiqué une défaillance du compresseur installé par la société Dim Froid, et en a préconisé le remplacement. Suivant ces conseils, la société Aza a fait procéder au changement du compresseur et a fait installer des radiateurs électriques.

En juin 2011, l’installation faisant disjoncter les protections électriques, la société Aza a une seconde fois fait appel à la société EG Réfrigération, laquelle a de nouveau diagnostiqué une panne de compresseur.

La société Aza s’est rapproché de la société Anquetil aux fins d’obtenir son avis sur le diagnostic établi par la société EG Réfrigération. La société Anquetil l’a confirmé et a effectué des travaux de réparation, consistant en l’installation d’un système de filtration de façon à épurer le liquide frigorigène de pollution d’huile et autres matériaux en suspension, et est par la suite intervenue à quatre reprises pour changer les cartouches filtrantes.

C’est ainsi que la société Aza a, après expertise, assigné la société Dim Froid en indemnisation des préjudices subis sur le fondement de la garantie décennale.

Saisie de ce contentieux, la cour d’appel de Reims a, aux termes d’un arrêt rendu le 23 avril 2019, condamné la société Dim Froid à verser à la société Aza les sommes de 27.882,85 euros au titre du préjudice matériel et 8.000 euros au titre de la perte d’image.

Manifestement lésée par cette décision, la société Dim Froid s’est pourvue en cassation, considérant :

  • Premièrement, que la garantie décennale ne saurait s’appliquer en l’espèce faute de construction d’un ouvrage ;
  • Deuxièmement, que la réception tacite des travaux ne saurait être caractérisée à la date du 26 mai 2006, en l’absence de volonté équivoque de la société Aza de recevoir lesdits travaux ;
  • Troisièmement, que si la réception tacite des travaux était caractérisée, elle ne saurait être intervenue le 26 mai 2006, dans la mesure où la société Aza en a pris possession en septembre 2005 ;
  • Quatrièmement, que si la réception tacite des travaux était caractérisée, elle ne saurait être intervenue le 26 mai 2006, date du paiement du solde des travaux par la société Aza, dans la mesure où la société Dim Froid lui avait adressé sa facture de solde le 29 novembre 2004 et que le délai de paiement ne résultait pas d’une contestation de la qualité des travaux ;
  • Cinquièmement et dernièrement, que la société Dim Froid n’était tenue à aucune garantie, en raison de l’intervention de tiers sur l’installation de climatisation.

En dépit des moyens allégués par la société Dim Froid, la Cour de cassation confirme l’arrêt rendu par la cour d’appel de Reims, laquelle n’a commis aucune erreur de droit ou de fait dans l’application des articles 1792 et suivants du code civil, en ce que :

  • En premier lieu, les travaux effectués par la société Dim Froid ont porté sur la construction d’un ouvrage. En effet, la troisième chambre civile retient que les sociétés Aza et Dim Froid ont conclu un contrat de fourniture et de pose d’une installation de chauffage incluant la fourniture et la mise en place de toute l’installation de climatisation de l’hôtel avec pose des compresseurs, climatiseurs, gaines et canalisations d’air dans et à travers les murs du bâtiment.
  • En deuxième lieu, l’action en garantie décennale a commencé à courir à compter du 26 mars 2006. En effet, si l’hôtel avait effectivement ouvert en septembre 2005, le paiement intégral de la facture n’était intervenu que le 26 mai 2006. Or, la Cour retient que la réception tacite résulte de la prise de possession des ouvrages associée au paiement intégral des travaux.
  • En troisième lieu, la responsabilité décennale de la société Dim Froid est engagée, au motif qu’elle a installé une climatisation entachée d’un vice de construction résultant d’une puissance insuffisante pour lui permettre de fonctionner normalement et d’être pérenne.

La troisième chambre civile rejette donc le pourvoi formé par la société Dim Froid.

Cass., 3e civ., 12 novembre 2020, n° 19-18213