Précision sur l’office du juge du référé-précontractuel en matière de contrats publics : il ne lui appartient pas de contrôler si, au regard de l’objet du contrat dont la passation est engagée, la personne publique est, à la date où elle signe le contrat, compétente à cette fin.

Le Conseil d’Etat, dans sa décision Société Les Voiliers du 9 juin 2020, vient rappeler l’office du juge des référés qui consiste « sur le fondement de l’article L. 551-1 du code de justice administrative, [ à ] apprécier si ont été commis des manquements aux obligations de publicité et de mise en concurrence qui, eu égard à leur portée et au stade de la procédure auquel ils se rapportent, sont susceptibles d’avoir lésé ou ont risqué de léser, fût-ce de façon indirecte, l’entreprise qui le saisit » et préciser toutefois qu’« il ne lui appartient pas de contrôler si, au regard de l’objet du contrat dont la passation est engagée, la personne publique est, à la date où elle signe le contrat, compétente à cette fin ».

Autrement dit, le fait qu’une procédure de passation du contrat soit engagée et conduite par une personne publique qui n’est pas encore compétente pour le signer ne constitue pas un motif d’irrégularité sanctionnable par le juge du référé précontractuel.

Dans cette hypothèse, il énonce s’agissant d’une délégation de service public, que la commission de délégation de service public qui a procédé pour une personne publique qui n’est pas encore compétente à l’appréciation des offres n’est pas nécessairement irrégulièrement composée.

La Haute juridiction spécifie également les cas dans lesquels une personne publique peut être considérée comme n’étant pas encore compétente :

« lorsqu’une personne publique a vocation à exercer la compétence nécessaire à la conclusion et à l’exécution d’un contrat de la commande publique, notamment parce qu’elle est en cours de création ou de transformation ou parce qu’une procédure, par laquelle la compétence nécessaire doit lui être dévolue, est déjà engagée, aucune règle ni aucun principe ne font obstacle à ce qu’elle engage elle-même la procédure de passation du contrat, alors même qu’elle n’est pas encore compétente à cette date pour le conclure. Il en va notamment ainsi lorsque le contrat en cause a pour objet la gestion d’un service public. Il appartient seulement à la personne publique de faire savoir, dès le lancement de la procédure de passation, que le contrat ne sera signé qu’après qu’elle sera devenue compétente à cette fin. Une personne publique peut par ailleurs signer un contrat dont la procédure de passation a été engagée et conduite par une autre personne publique, à laquelle, à la date de la signature du contrat, elle est substituée de plein droit, sans que cette procédure soit, en l’absence de vice propre, entachée d’irrégularité ».

Au cas d’espèce, une procédure de passation d’une délégation de service public balnéaire, avait été conduite par la métropole Nice Côte d’Azur (après avoir fait jouer son droit de priorité prévu à l’article L. 2124-4 du code général de la propriété des personnes publiques pour bénéficier, à l’expiration, le 31 décembre 2019, de la concession des plages naturelles attribuée à la commune de Nice, de la future concession de ces plages pour la période du 1er janvier 2020 au 31 décembre 2031) alors même que le contrat par lequel l’Etat était susceptible de lui attribuer la concession des plages naturelles de Nice (dont celle-ci était toujours attributaire) n’était pas encore signé et que l’enquête publique préalable n’était pas terminée.

Dans ces circonstances, le Tribunal administratif de Nice avait considéré que la métropole n’était pas compétente pour conclure le contrat quand elle a lancé la procédure de passation ni pendant qu’elle la conduite et qu’il en résultait nécessairement que la commission de délégation de service public de la métropole n’avait pu procéder régulièrement à l’analyse des offres, qui aurait dû être effectuée par la commission de la ville de Nice, et que la procédure de passation avait nécessairement été conduite par une autorité qui n’était pas habilitée à cette fin.

Le juge de cassation censure cette analyse du juge des référés du Tribunal administratif de Nice dans la mesure où d’une part, il ne relève aucun vice propre dans la composition ou le fonctionnement de la commission de délégation de service public de la métropole et d’autre part, l’Etat avait engagé la procédure d’attribution de la concession des plages naturelles de Nice à la métropole et que celle-ci avait expressément fait savoir, dès le 25 octobre 2019, que le contrat ne serait signé qu’après l’attribution de cette concession par l’Etat.

CE, 9 juin 2020, Société Les Voiliers, req. n° 436922 .

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