Précisions sur la notion de soumissionnaires distincts pour l’application du principe selon lequel un même soumissionnaire ne peut présenter qu’une seule offre

Dans le cadre de l’affaire commentée, Société Eiffage Energie Systèmes, le Conseil d’Etat a eu l’occasion de préciser, pour l’application du principe selon lequel un même soumissionnaire ne peut présenter qu’une seule offre, que les opérateurs économiques dépourvus d’autonomie commerciale ne sont pas considérés comme des soumissionnaires distincts.

Il précise effectivement que « si deux personnes morales différentes constituent en principe des opérateurs économiques distincts, elles doivent néanmoins être regardées comme un seul et même soumissionnaire lorsque le pouvoir adjudicateur constate leur absence d’autonomie commerciale ».

La jurisprudence de l’Union Européenne avait déjà eu l’occasion de relever que « la seule constatation d’un rapport de contrôle entre les entreprises concernées, en raison de la propriété ou du nombre des droits de vote pouvant s’exercer lors des assemblées ordinaires » ne suffit pas pour que le pouvoir adjudicateur puisse écarter automatiquement les offres de ces entreprises de la procédure de sélection du marché (CJUE, 17 mai 2018, Šiaulių regiono atliekų tvarkymo centras et « Ecoservice projektai », aff. C-531/16).

A cet égard, il appartient donc au juge de vérifier au cas par cas si un tel rapport de contrôle a eu une incidence concrète sur l’indépendance desdites offres.

Aussi, la Haute juridiction s’inscrit dans le prolongement de cette jurisprudence et révèle des exemples d’indices d’un tel rapport de contrôle aboutissant à l’absence d’autonomie commerciale de deux soumissionnaires.

Cette absence d’autonomie commerciale peut ainsi résulter : « notamment, des liens étroits entre leurs actionnaires ou leurs dirigeants, qui peut se manifester par l’absence totale ou partielle de moyens distincts ou la similarité de leurs offres pour un même lot » (comme l’évoquaient déjà des décisions de tribunaux administratifs comme par exemple : TA Lyon, 15 janvier 2015, SA BAULAND TP, req. n° 1201320).

La Conseil d’Etat conclut ainsi, au cas d’espèce, que dans la mesure où les offres litigieuses des sociétés CMT Services et Compagnie méridionale émanaient de deux sociétés filiales d’un même groupe et, qu’elles étaient identiques, elles ne pouvaient être considérées comme des offres distinctes présentées par des opérateurs économiques manifestant leur autonomie commerciale et devaient, par conséquent, être écartées.

CE, 8 décembre 2020, Société Eiffage Energie Systèmes, req. n° 436532.