Projet d’aménagement ou de construction pouvant nuire à la protection des espèces animales et végétales : sauf dénaturation, les juges du fond apprécient souverainement les faits
CE, 29 juillet 2022, Association « Non aux éoliennes entre Noirmoutier et Yeu » et autre c/ Préfet de la Vendée, req. n° 443420, publié aux tables du Recueil Lebon
Dans une décision du 27 juillet 2022 à paraître aux tables du Recueil Lebon, le Conseil d’Etat est venu préciser l’étendue du contrôle effectué par le juge de cassation concernant le point de savoir si un projet d’aménagement ou de construction est de nature, ou non, à nuire au maintien, dans un état de conservation favorable, de l’aire de répartition naturelle d’espèces animales et végétales protégées.
Plus précisément, dans le cadre de l’affaire commentée, l’association « Non aux éoliennes entre Noirmoutier et Yeu » et autre ont saisi le juge administratif d’une demande tendant, notamment, à l’annulation de l’arrêté du 19 décembre 2018 du préfet de la Vendée ayant accordé à la société Eoliennes en Mer îles d’Yeu et de Noirmoutier une autorisation de destruction et de perturbation intentionnelle de spécimens d’espèces animales protégées dans le cadre de l’aménagement et de l’exploitation du parc éolien en mer au large des îles d’Yeu et de Noirmoutier.
Déboutées en première instance comme en appel, les associations appelantes ont saisies le Conseil d’Etat d’un pourvoi en cassation tendant à l’annulation de l’arrêt de la cour administrative d’appel de Nantes du 3 juillet 2020.
Pour mémoire, rappelons que l’article L. 411-1 du code de l’environnement pose le principe de la protection de certaines espèces animales et végétales lorsqu’un intérêt scientifique particulier, le rôle essentiel dans l’écosystème ou les nécessités de la préservation du patrimoine naturel le justifient. Pour ce faire, ce même article prévoit ainsi une série d’interdictions tendant, toutes, à la conservation de sites d’intérêt géologique, des habitats naturels ou encore des espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées et de leurs habitats.
Toutefois, l’article L. 411-2, I du code de l’environnement, quant à lui, prévoit les cas dans lesquels il est possible de déroger, à condition qu’il n’existe pas d’autre solution satisfaisante, aux interdictions visées aux 1°, 2° et 3° de l’article L. 411-1 précité. Tel est par exemple le cas lorsque « […] l’intérêt de la santé et de la sécurité publiques ou pour d’autres raisons impératives d’intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique, et pour des motifs qui comporteraient des conséquences bénéfiques primordiales pour l’environnement » le justifie.
Concernant le contrôle opéré par le juge de cassation, le Conseil d’Etat avait précédemment eu l’occasion de préciser que le juge de cassation laisse à l’appréciation souveraine des juges du fond, sous réserve de la dénaturation, le point de savoir s’il n’existe pas de solution satisfaisante autre que le projet envisagé pour répondre à une raison impérative d’intérêt public majeur telle que visée à l’article L. 411-2,I du code de l’environnement (CE, 15 avril 2021, Société pour la protection des paysages et de l’esthétique de la France et autres, req. n° 430500).
Dans le cadre de l’affaire commentée, le Conseil d’Etat est venu préciser l’étendue de son contrôle en considérant, suivant la même logique, que : « le juge de cassation laisse à l’appréciation souveraine des juges du fond, sous réserve de dénaturation, le point de savoir si est satisfaite la condition tenant à ce que le projet ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle. »
Réglant l’affaire au fond, le Conseil d’Etat a considéré, sur ce point, que : « pour juger comme satisfaite la condition tenant à ce que le parc éolien ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle, la cour, après avoir relevé que les requérants se bornaient à soutenir que le contenu du dossier de demande d’autorisation était insuffisant quant à la pipistrelle de Nathusius et que la demande aurait dû porter sur le puffin des Baléares, les mammifères marins tels que le marsouin commun, le dauphin commun et le grand dauphin, et la tortue luth, a estimé, par une appréciation souveraine exempte de dénaturation, que les mesures de compensation prévues concernant les oiseaux marins suffisaient pour répondre à cette condition. »