Une très vive altercation a opposé, dans le couloir d’un centre hospitalier, un praticien hospitalier à son directeur. Soutenant avoir fait l’objet, dans le cadre de son service, d’une agression verbale et physique de la part du directeur du centre hospitalier, l’agent public a demandé le bénéfice de la protection fonctionnelle. Par une décision du 26 avril 2014, le directeur du centre hospitalier mis en cause a rejeté la demande. Par un jugement du 3 décembre 2015, le Tribunal administratif de Saint-Martin a, sur la demande de l’agent public soutenant avoir été agressé, annulé la décision par laquelle le directeur du centre hospitalier a refusé l’octroi de la protection fonctionnelle. Cependant, par un arrêt du 10 juillet 2018, la Cour administrative de Bordeaux a annulé ce jugement aux motifs qu’un agent ne peut utilement se prévaloir du principe général d’impartialité « à l’encontre d’une décision prise à son encontre par une autorité administrative dans l’exercice de son pouvoir hiérarchique. Par suite, c’est à tort que le tribunal administratif a annulé, au motif de la méconnaissance du principe général d’impartialité, la décision du 26 avril 2014. » (CAA Bordeaux, 10 juillet 2018, Centre hospitalier Louis-Constant Fleming, req. n° 16BX00550).
C’est dans ce cadre que le Conseil d’Etat a été saisi de cette affaire, laquelle a été l’occasion pour la Haute juridiction de revenir sur la question de l’octroi de la protection fonctionnelle en cas de différend entre en agent public et son supérieur hiérarchique, mais également concernant l’application du principe d’impartialité.
Ainsi, par l’arrêt commenté, la Haute juridiction est venue rappeler que, en principe, le bénéfice de la protection fonctionnelle ne peut être accordé aux « différends susceptibles de survenir, dans le cadre du service, entre un agent public et l’un de ses supérieurs hiérarchiques ». Toutefois, le juge vient préciser qu’il en va « différemment lorsque les actes du supérieur hiérarchique sont, par leur nature ou leur gravité, insusceptibles de se rattacher à l’exercice normal du pouvoir hiérarchique. ». Tel est par exemple le cas lorsque l’agent a été victime de la part de son supérieur hiérarchique d’agissements excessifs ne se rattachant pas à l’exercice normal du pouvoir hiérarchique ou encore lorsque les agissements dénoncés sont guidés par des motivations étrangères à l’intérêt du service.
Ensuite, la Haute juridiction est venue rappeler les contours, déjà bien connus, du principe d’impartialité (CE, sect., 29 avril 1949, Bourdeaux, req. n° 82790, Rec. 188).
En effet, dans la présente affaire, le Conseil d’Etat est venu rappeler que « le principe d’impartialité, rappelé par l’article 25 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, s’impose à toute autorité administrative dans toute l’étendue de son action, y compris dans l’exercice du pouvoir hiérarchique. ». Ainsi, c’est tout logiquement que le Conseil d’Etat est venu rajouter que « Il résulte du principe d’impartialité que le supérieur hiérarchique mis en cause à raison de tels actes ne peut régulièrement, quand bien même il serait en principe l’autorité compétente pour prendre une telle décision, statuer sur la demande de protection fonctionnelle présentée pour ce motif par son subordonné. »