Pour mémoire, les articles 20 et 21 de la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique avait contribué à la mise en place d’un régime de mise à disposition du public des décisions de justice des juridictions administratives et judiciaires, par la modification de l’article L. 10 du code de justice administrative et l’introduction de l’article L. 111-13 dans le code de l’organisation judiciaire.
Ces dispositions, parmi d’autres, avaient par la suite été modifiées par l’article 33 de la loi n° 2019-2022 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.
Le décret n° 2020-797 du 29 juin 2020 intervient ainsi dans le cadre de l’application de l’article 33 de la loi n° 2019-2022 et précise les conditions de la mise à disposition du public des décisions des juridictions administratives d’une part, et judiciaires d’autre part.
S’agissant d’abord de la mise à disposition des décisions des juridictions administratives, l’article 1er du décret du 29 juin 2020 introduit une section 6 intitulée « mise à disposition du public, sous forme électronique, des décisions rendues par les juridictions administratives » au sein du chapitre premier du titre IV du livre VII de la partie réglementaire du code de justice administrative.
Cette section 6 est composée des articles R. 741-13 à R. 741-15, lesquels prévoient que :
- Le Conseil d’Etat est responsable de la mise à disposition du public des décisions rendues par les juridictions administratives, sous forme électronique. A cet égard, il appartient au Conseil d’Etat de mettre à la disposition du public les décisions rendues par les juridictions administratives dans un délai de deux mois à compter de leur date (article R. 741-13) ;
- Dans l’hypothèse où malgré l’occultation des nom et prénoms, la mise à disposition d’une décision est de nature à porter atteinte à la sécurité ou au respect de la vie privée des personnes physiques mentionnées dans celle-ci, ou de leur entourage, le président de la formation de jugement ou le juge ayant rendu la décision peut décider d’occulter tout autre élément d’identification (article R. 741-14) ;
- Une demande d’occultation ou, au contraire, de levée d’occultation des éléments d’identification, peut être introduite à tout moment par une personne intéressée auprès d’un membre du Conseil d’Etat, désigné par le vice-président du Conseil d’Etat (article R. 741-15).
L’article 2 du décret du 29 juin 2020 modifie l’article R. 751-7 du code de justice administrative, lequel prévoit désormais ce qui suit :
« Des expéditions supplémentaires de la décision peuvent être délivrées aux parties à leur demande.
Les tiers peuvent se faire délivrer, dans les conditions et limites prévues à l’article L. 10-1, une copie simple de décisions précisément identifiées.
Les éléments permettant d’identifier les personnes physiques mentionnées dans la décision, lorsqu’elles sont parties ou tiers, sont préalablement occultés si leur divulgation est de nature à porter atteinte à la sécurité ou au respect de la vie privée de ces personnes ou de leur entourage. En tout état de cause, il est procédé à cette occultation lorsqu’elle a été décidée, pour ces personnes, en application des articles R. 741-14 ou R. 741-15.
Lorsque des éléments de la décision ont été occultés en application du dernier alinéa de l’article R. 741-14, il est procédé à la même occultation sur la copie de la décision.
Ces dispositions ne s’appliquent pas à l’accès aux jugements exercé en application des articles L. 213-1 à L. 213-5 du code du patrimoine ».
L’article 3 I modifie pour sa part l’article R. 311-1 du même code par l’ajout d’un 8°, indiquant que le Conseil d’Etat est compétent en premier et dernier ressort pour statuer sur les « recours de plein contentieux dirigés contre les décisions d’occultation ou de levée d’occultation prises en application des dispositions de l’article R. 741-15 ou du troisième alinéa de l’article R. 751-7 ».
Il est également rétabli un article R. 122-13, aux termes duquel, « le président ou un président-adjoint de la section du contentieux du Conseil d’Etat statue par ordonnance sur les recours mentionnés au 8° de l’article R. 311-1 ».
S’agissant ensuite de la mise à disposition du public des décisions des juridictions judiciaires, l’article 4 du décret n° 2020-797 procède par l’ajout du chapitre III intitulé « la mise à disposition du public des décisions de justice sous forme électronique » au titre Ier du livre Ier du code de l’organisation judiciaire.
Ce chapitre III comporte des articles R. 111-10 à R. 111-13, lesquels disposent que :
- Le Cour de cassation est responsable de la mise à disposition du public des décisions rendues par les juridictions judiciaires, sous forme électronique. A cet égard, il appartient à la Cour de cassation de mettre à la disposition du public les décisions rendues par les juridictions judiciaires dans un délai de six mois à compter de leur mise à disposition au greffe de la juridiction (article R. 111-10) ;
- Par principe, les décisions mentionnées à l’article R. 111-10 sont les décisions rendues publiquement et accessibles à toute personne sans autorisation préalable. Cependant, une décision dont la communication à des tiers est soumise à autorisation préalable peut être mise à la disposition du public lorsqu’elle présente un intérêt particulier. Lorsqu’elle est rendue par une juridiction du fond, la décision est communiquée à la Cour de cassation par le président de la juridiction. Lorsque la loi ou le règlement prévoit que la délivrance d’une copie peut n’être accordée qu’après occultation de tout ou partie des motifs de la décision, celle-ci est mise à la disposition du public dans les mêmes conditions. Lorsque la loi ou le règlement prévoit que seul un extrait de la décision est public ou accessible à toute personne sans autorisation préalable, seul cet extrait est mis à la disposition du public (R. 111-11) ;
- Dans l’hypothèse où, malgré l’occultation des nom et prénoms, la mise à disposition de la décision est de nature à porter atteinte à la sécurité ou au respect de la vie privée des personnes physiques mentionnées dans celle-ci, ou de leur entourage, le président de la formation de jugement ou le magistrat ayant rendu la décision peut décider d’occulter tout autre élément d’identification (R. 111-12) ;
- Une demande d’occultation ou, au contraire, de levée d’occultation des éléments d’identification, peut être introduite à tout moment par une personne intéressée devant un magistrat de la Cour de cassation, désigné par le premier président (article R. 111-13).
L’article 4 modifie également l’article R. 433-3 du code de l’organisation judicaire en remplaçant ses dispositions par celles-ci :
« Le service de documentation et d’études tient une base de données rassemblant les décisions et avis de la Cour de cassation et des juridictions ou commissions juridictionnelles placées auprès d’elle, publiés ou non publiés aux bulletins mensuels mentionnés à l’article R. 433-4, ainsi que les décisions présentant un intérêt particulier rendues par les autres juridictions de l’ordre judiciaire. Cette base de données a pour objet de mettre ces décisions à la disposition du public dans les conditions définies aux articles R. 111-10 et R. 111-11, ainsi que d’assurer la diffusion de la jurisprudence.
Aux mêmes fins et dans les mêmes conditions, le service de documentation et d’études tient une base de données rassemblant les décisions des premier et second degrés rendues par les juridictions de l’ordre judiciaire. Les conditions dans lesquelles ces décisions lui sont transmises sont fixées par les dispositions régissant les applications informatiques du ministère de la justice et du conseil national des greffiers des tribunaux de commerce ».
Les articles 5 et 6 du décret du 29 juin 2020 portent sur la délivrance de copie aux tiers.
L’article 5 ajoute essentiellement les articles 1440-1 et 1440-1-1 au code de procédure civile, et remplace les dispositions de l’article 1441.
Pour sa part, l’article 6 modifie le code de procédure pénale, par l’abrogation de l’article R. 156, et l’introduction d’un c « délivrance de copie aux tiers » au sein de la section 5 du chapitre II du titre X du livre V. Cette partie c intègre les articles R. 166 à R. 172 au sein du code de procédure pénale.
S’agissant enfin des dispositions diverses, l’article 7 du décret n° 2020-797 dispose que la mise à la disposition du public des décisions de justice des juridictions administratives et judiciaires est réalisée sur un portail internet.
A cela s’ajoute que le Conseil d’Etat et la Cour de cassation doivent mettre à la disposition du public les décisions de justices de leur ordre juridictionnel respectif sur le site internet respectif.
Pour finir, il s’évince de l’article 9 qu’un arrêté du ministre de la justice doit prochainement déterminer, pour chacun des ordres judiciaire et administratif, la date à compter de laquelle les décisions de justice seront mises à la disposition du public.