Saisi en référé en parallèle d’une ou plusieurs instances au fond, le juge administratif peut ordonner la désignation d’un expert judiciaire sous réserve que la mesure d’expertise ait un caractère d’utilité différent de celui de la mesure que le juge du fond peut décider dans l’exercice de ses pouvoirs de direction de l’instruction
CAA Marseille, 26 août 2022, M. A, req. n° 22MA01616
Par un arrêt du 26 août 2022, la Cour administrative d’appel de Marseille a été amenée à statuer sur l’appel formé par un particulier tendant à la réformation d’une ordonnance ayant refusé de prescrire une expertise judiciaire.
En l’occurrence, M. A avait sollicité la désignation d’un expert judiciaire pour se prononcer sur les désordres affectant sa propriété et résultant des travaux exécutés d’office par l’Etat et confiés à un constructeur, en exécution d’une décision rendue par la Cour d’appel d’Aix-en-Provence, laquelle avait ordonné la remise en état des lieux suite à des travaux exécutés sans permis de construire.
Le juge des référés du Tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande formée par M. A, au motif qu’elle était manifestement insusceptible de se rattacher à un litige relevant de la compétence d’une juridiction administrative. Pour se faire, le juge de première instance a considéré que la contestation de la somme mise en recouvrement par l’Etat, au titre de l’exécution des travaux ainsi exécutés d’office, échappe à la compétence de la juridiction administrative.
Pour autant, relève la Cour administrative d’appel, le juge des référés du Tribunal administratif ne s’est pas prononcé sur l’action en responsabilité susceptible d’être exercée en réparation des éventuels dommages provoqués par ces travaux, également invoquée par le requérant.
Dès lors, la Cour administrative d’appel considère que l’ordonnance attaquée est insuffisamment motivée.
Ainsi amenée à se prononcer sur le bien-fondé de la mesure d’expertise sollicitée par M. A, la Cour administrative d’appel rappelle, en application de l’article R. 532-1 du code de justice administrative, qu’une mesure d’expertise obéit à un critère d’utilité apprécié :
- d’une part, au regard des éléments dont le demandeur dispose ou peut disposer par d’autres moyens ; et,
- d’autre part, bien que ce juge ne soit pas saisi du principal, au regard de l’intérêt que la mesure présente dans la perspective d’un litige principal, actuel ou éventuel, auquel elle est susceptible de se rattacher. Il est d’ailleurs constant, sur ce point, que le juge administratif ne peut faire droit à une demande d’expertise qui est formulée à l’appui de prétentions qui ne relèvent manifestement pas de la compétence de la juridiction administrative. Et, s’il est possible d’ordonner une mesure d’expertise alors même qu’une requête au fond est en cours d’instruction, il appartient au juge des référés d’apprécier l’utilité de la mesure demandée sur ce fondement.
En l’espèce, la Cour administrative d’appel précise que M. A a déjà introduit deux instances devant le Tribunal administratif de Marseille, à savoir une action indemnitaire tendant à la condamnation de l’Etat et une action en opposition à l’état exécutoire qui lui a été notifié consécutivement à la réalisation d’office des travaux.
Or, ces deux actions n’ont pas été rejetées comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître, si bien qu’elles ne sont pas manifestement insusceptibles de relever de la compétence du tribunal administratif.
Toutefois, poursuit la Cour, le requérant ne fait valoir aucune circonstance particulière, tenant notamment à l’urgence de constater les désordres qu’il allègue, qui confèrerait à la mesure d’expertise qu’il est ainsi demandé au juge des référés d’ordonner un caractère d’utilité différent de celui de la mesure que le juge saisi de l’une ou l’autre de ces actions, pourra décider, le cas échéant, dans l’exercice de ses pouvoirs de direction de l’instruction.
Partant, si l’ordonnance querellée est annulée, la demande présentée par M. A est rejetée.
CAA Marseille, 26 août 2022, M. A, req. n° 22MA01616