Dans un arrêt du 28 juin 2021 à paraître aux tables du Recueil Lebon, le Conseil d’État a considéré que nonobstant, d’une part, l’intérêt général du projet et, d’autre part, la circonstance que des mesures devaient être prises afin atténuer les effets du projet sur le paysage, celui-ci ne saurait toutefois être déclaré d’utilité publique au regard non seulement du coût financier du projet, mais également au regard des atteintes portées au paysage remarquable
En l’occurrence, le Préfet des Alpes-Maritimes a, par un premier arrêté du 7 juillet 2014 déclaré d’utilité le projet de prolongement de la route départementale n° 6185 située sur le territoire de la commune de Grasse, mais également autorisé le département des Alpes-Maritimes à acquérir les immeubles nécessaires à la réalisation du projet.
Par un second arrêté du 16 octobre 2015, le Préfet des Alpes-Maritimes a déclaré immédiatement cessibles les immeubles désignés à l’état parcellaire.
Notons d’ores-et-déjà que le projet déclaré d’utilité publique était particulièrement sensible puisque, en sus de s’inscrire dans un paysage remarquable, le projet portait sur la construction de deux viaducs, trois ponts routiers de 5500 m2de murs de soutènement et 2100 mètres de murs acoustiques.
C’est dans ce contexte que le Conseil d’Etat a dû rechercher, en application de la théorie du bilan coût-avantages, si les atteintes à la propriété privée, un coût financier et éventuellement des inconvénients d’ordre social ou encore l’atteinte à d’autres intérêts publics que le projet comporte ne sont pas excessifs eu égard à l’intérêt qu’il présente.
En effet, à défaut l’opération ne saurait légalement être déclarée d’utilité publique.
En effet, même si les avantages du projets étaient nombreux puisque celui-ci devait permettre d’améliorer la circulation automobile entre l’extérieur et le centre de la ville de Grasse afin de faciliter les échanges entre les quartiers et qu’il devait permettre le renforcement de la desserte locale et améliorer la sécurité dans le secteur, le Conseil d’Etat a toutefois considéré que ce projet « avait un coût très élevé, évalué à 68 millions d’euros pour la création d’une voie de 1 920 mètres, soit 34 millions d’euros par kilomètre, s’expliquant par la construction de deux viaducs, trois ponts routiers, de 5 500 m2 de murs de soutènement et de 2 100 mètres de murs acoustiques. La cour a aussi jugé que la réalisation du projet aurait un impact très visible dans le paysage remarquable dans lequel il est appelé à s’inscrire, en particulier du fait des deux viaducs, d’une longueur et d’une hauteur respectives de 150 mètres et de 20 mètres pour le premier et de 210 mètres et de 27 mètres pour le second, et serait ainsi de nature à gravement altérer le caractère du site, regardé comme exceptionnel, en dépit des mesures visant à atténuer les effets du projet sur le paysage décrites dans l’étude d’impact ».
Enfin, toujours dans ce même arrêt, le Conseil d’Etat rappelle que, par son comportement, le commissaire enquêteur doit rester neutre et impartial de sorte que toute déclaration révélant un parti pris concernant le projet est de nature à entacher la procédure d’un vice ayant privé le public d’une garantie, et ce alors même que « les conclusions que le commissaire-enquêteur a rendues au terme de l’enquête publique étaient complètes et motivées».