Par un arrêt du 13 juin 2022 mentionné dans les tables du recueil Lebon, le Conseil d’Etat a rappelé qu’une commune qui décide de préempter un bien peut voir sa responsabilité sans faute engagée par le vendeur, notamment dans l’hypothèse où la valeur du bien s’est grandement dépréciée entre la décision de préempter et la décision de renoncer à ce droit.
En l’espèce, après avoir conclu une promesse de vente d’un ancien hôtel, la société Immotour a adressé à la commune de Saverne une déclaration d’intention d’aliéner ce bien immobilier. Le maire de la commune a décidé d’exercer le droit de préemption urbain sur ce bien, par décision du 28 août 2012. Cependant, avant que le juge de l’expropriation ne fixe le prix de ce bien, celui-ci a été illégalement occupé par des tiers, entraînant ainsi des dégradations.
La commune de Saverne a renoncé à l’acquisition de l’immeuble. Finalement, eu égard aux dégradations consécutives à la présence d’occupants illégaux et à la nécessité d’entreprendre d’importants travaux de réparation, la vente de l’immeuble n’a pu avoir lieu que le 7 août 2014, à un prix très largement inférieur à celui initialement prévu.
Saisi par pourvoi formé par la société Immotour, le Conseil d’Etat a considéré que les préjudices qu’elle avait subi du fait des atermoiements de la commune de Saverne justifie une réparation, sur le fondement de la responsabilité sans faute :
« Dans ces conditions, la société Immotour a subi, du fait des décisions de préemption et de renonciation de la commune de Saverne, un préjudice grave, qui a revêtu un caractère spécial et doit être regardé comme excédant les aléas ou sujétions que doivent normalement supporter des vendeurs de terrains situés en zone urbaine, sans que d’autres circonstances, notamment le fait que la société n’ait mis en place un dispositif de gardiennage de l’immeuble qu’à compter de septembre 2013, soient de nature, dans les circonstances particulières de l’espèce, à écarter totalement la responsabilité de la commune. Par suite, la cour administrative d’appel n’a pu, sans entacher son arrêt d’une erreur de droit, s’abstenir de relever d’office le moyen tiré de ce que la responsabilité sans faute de la commune était engagée à l’égard de la société Immotour, alors qu’il ressortait des pièces du dossier soumis au juge du fond que les conditions d’une telle responsabilité étaient réunies. Son arrêt doit, dès lors, être annulé en tant qu’il écarte la responsabilité sans faute de la commune de Saverne ».
CE, 13 juin 2022, Société Immotour, req. n° 437160