Ayant uniquement pour effet d’instituer des règles de procédure relatives au pouvoir du juge administratif et n’étant aucunement contraire aux droits des requérants, la rédaction des dispositions de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme issue de la loi ELAN n’est pas contraire à la Constitution

Bien que les dispositions de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme, imposant au juge de surseoir à statuer sur certaines autorisations d’urbanisme jusqu’à ce qu’intervienne une régularisation, soient d’application immédiate aux instances en cours dès leur entrée en vigueur, celles-ci ont uniquement pour effet d’instituer des règles de procédure portant exclusivement sur les pouvoirs du juge administratif, sans affecter la substance du droit au recours, ni porter atteinte à aucun des droits des requérants. Dès lors, l’article L. 600-5-1 n’est pas contraire au principe d’égalité devant la loi, aux droits de la défense et au droit à un procès équitable garantis par l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.

A l’appui de sa demande tendant à l’annulation des permis de construire et d’aménager un complexe sportif sur un terrain situé 84 rue Gutenberg délivrés par le maire de Palaiseau à la société civile immobilière INRAA, ainsi que du certificat d’autorisation tacite se rapportant à cette opération de construction, le syndicat des copropriétaires de l’ensemble immobilier sis 86 à 94 rue Gutenberg a soulevé une question prioritaire de constitutionnalité.

Par jugement avant dire droit, le Tribunal administratif de Versailles a décidé de transmettre au Conseil d’Etat la question prioritaire de constitutionnalité portant sur la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l’article L.600-5-1 du code de l’urbanisme dans sa rédaction issue de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018.

En l’occurrence, l’article 80 de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dite « loi ELAN » a modifié la rédaction de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme, lequel dispose désormais ce qui suit :

« Sans préjudice de la mise en œuvre de l’article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d’aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu’un vice entraînant l’illégalité de cet acte est susceptible d’être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu’à l’expiration du délai qu’il fixe pour cette régularisation, même après l’achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. Le refus par le juge de faire droit à une demande de sursis à statuer est motivé ».

Or, le Conseil d’Etat considère que si ces dispositions imposent au juge administratif de « surseoir à statuer sur les conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d’aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable dont il est saisi, en vue de permettre la régularisation en cours d’instance d’un vice qui entache la décision litigieuse et entraîne son illégalité, c’est à la condition que, à la date à laquelle il se prononce, une autorisation d’urbanisme puisse légalement intervenir pour régulariser le projet, compte tenu de ses caractéristiques, de l’avancement des travaux et des règles d’urbanisme applicables, dans les mêmes conditions que si l’autorisation d’urbanisme initiale avait été annulée pour excès de pouvoir ». Par ailleurs, en vertu de ces dispositions, il appartient au juge administratif – avant de sursoir à statuer – d’inviter les parties au litige à présenter leurs observations sur cette mesure.

Ainsi, bien que ces dispositions soient d’application immédiate aux instances en cours dès leur entrée en vigueur, celles-ci ont uniquement pour effet d’instituer des règles de procédure portant exclusivement sur les pouvoirs du juge administratif, sans affecter la substance du droit au recours, ni porter atteinte à aucun des droits des requérants. Dès lors, l’article L. 600-5-1 n’est pas contraire au principe d’égalité devant la loi, aux droits de la défense et au droit à un procès équitable garantis par l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.

Au surplus, ces dispositions ne sauraient affecter le droit des requérants de contester une autorisation d’urbanisme devant le juge de l’excès de pouvoir pour obtenir qu’une telle décision soit conforme aux lois et règlements applicables. Partant, aucune méconnaissance au droit à un recours juridictionnel effectif et au droit de propriété, garantis par les articles 16 ainsi que 2 et 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 ne saurait être constituée.

Et la seule circonstance que le recours du requérant soit finalement rejeté en raison de la régularisation dont il est à l’origine ne devrait pas nécessairement conduire le juge à le regarder comme étant la partie perdante dans l’instance au sens des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

En conséquence, en ce que la question n’est pas nouvelle et ne présente aucun caractère sérieux, le Conseil d’Etat conclut qu’il n’y a pas lieu de renvoyer la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel.

CE, 24 juillet 2019, Syndicat des copropriétaires de l’ensemble immobilier sis 86 à 94 rue Gutenberg, req. n° 430473