Constitue un contrat administratif tacite l’accord intervenu entre une communauté de communes et une société tendant à la construction d’un bâtiment en vue de favoriser le développement et l’attractivité économique de la société sur le territoire dès lors que, par son objet, l’accord participe à l’exécution d’une mission de service public de développement économique

Constitue un contrat administratif tacite l’accord intervenu entre une communauté de communes et une société tendant à la construction d’un bâtiment en vue de favoriser le développement et l’attractivité économique de la société sur le territoire dès lors que, par son objet, l’accord participe à l’exécution d’une mission de service public de développement économique

CAA de Nancy, 11 octobre 2022, Société Innovax International, n°20NC01162

 

La société Innovax International est spécialisée dans la fabrication et la commercialisation d’accessoires et de systèmes de crochets, berceaux et colliers destinés aux professionnels de la toiture et de la couverture. Afin de favoriser son implantation au sein de la zone d’aménagement concerté de Douzy, elle a, par une lettre d’intention du 4 septembre 2014, donné son accord à un projet de construction, à réaliser par la communauté de communes des Portes du Luxembourg d’un bâtiment industriel de 2 000 mètres carrés sur une parcelle de 4 764 mètres carrés, qu’elle s’engageait, après sa construction, à acquérir. Toutefois, par une lettre du 18 mai 2015, la société a informé la communauté de communes de sa renonciation au projet. Par une délibération du 14 décembre 2015, le conseil communautaire a décidé de mettre à la charge de la société les frais supportés pour la réalisation du projet, consistant notamment en des études d’avant-projet, des études géotechniques. Le président de la communauté de communes a ainsi émis, le 6 juillet 2016, un titre exécutoire pour un montant de 71 048,03 euros. La société a saisi le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d’une demande d’annulation du titre exécutoire. Le Tribunal a toutefois rejeté sa demande. La société Innovax International a donc interjeté appel du jugement devant la Cour administrative d’appel de Nancy. Cette dernière annule le titre exécutoire en tant qu’il excède le montant de 35 524,01 euros.

La Cour rappelle que la créance contestée faisant l’objet du titre exécutoire litigieux est fondée sur l’existence d’un contrat. Elle précise que le contrat porte sur un accord entre la communauté de communes et la société Innovax International tendant à la construction d’un bâtiment en vue de favoriser l’implantation, sur son territoire et de favoriser le développement et l’attractivité économiques de son territoire. La Cour en conclut que, par son objet, un tel contrat participe à l’exécution d’une mission de service public de développement économique et constitue ainsi un contrat administratif relevant de la compétence de la juridiction administrative.

La Cour administrative d’appel juge que le marché de maîtrise d’œuvre conclu par la communauté de communes des Portes du Luxembourg en vue de faire édifier un immeuble correspondant aux besoins de la société Innovax International révèle l’existence d’un engagement de cette collectivité, au profit de l’entreprise, de faire procéder aux études préalables à la réalisation du bâtiment ayant vocation à abriter ses activités. La Cour précise que, par la lettre d’intention du 4 septembre 2014, postérieure à la passation de ce marché, la société requérante a validé les études d’avant-projet réalisées par l’architecte et pris des engagements à l’égard de la communauté de communes, pour l’acquisition du bâtiment après réception, sur la base d’un prix évalué à 1 899 288 euros TTC correspondant au coût prévisionnel, mais qui restait à ajuster, par une société civile immobilière qu’elle s’engageait à constituer. Il en résulte une commune intention des parties de réaliser un bâtiment au profit de la société que cette dernière s’engageait à terme à acquérir, contrat tacite qui se distingue du compromis de vente et du contrat de vente qui devaient être conclus à terme. Les juges d’appel estiment qu’il ne résulte pas des termes de la lettre d’intention que son engagement comportait une condition résolutoire. Ainsi, en renonçant, par le courrier du 18 mai 2015, au projet de construction, la société Innovax International a rompu unilatéralement ce contrat tacite laissant à la charge de la collectivité les frais qu’elle avait d’ores et déjà exposés. Il en résulte que la communauté de communes pouvait demander la condamnation de la société à l’indemniser des dépenses exposées à tort.

Toutefois, la Cour indique que la communauté de communes a commis une imprudence en concluant le contrat de maîtrise d’œuvre avant tout engagement ferme de la société requérante. Elle doit donc être regardée comme étant à l’origine de son préjudice à hauteur de 50 %. La société est, dès lors, fondée à soutenir que c’est à tort que les premiers juges ont rejeté l’intégralité de ses conclusions, et à demander l’annulation du titre exécutoire litigieux en tant qu’il excède le montant de 35 524,01 euros.

CAA Nancy, 11 octobre 2022, Société Innovax International, n°20NC01162