Contrat annulé en raison d’une pratique anticoncurrentielle : la marge bénéficiaire ou encore les frais généraux non utilement exposés pour l’exécution du marché ne constituent pas des dépenses utiles à la personne publique pouvant être remboursées au cocontractant

Contrat annulé en raison d’une pratique anticoncurrentielle : la marge bénéficiaire ou encore les frais généraux non utilement exposés pour l’exécution du marché ne constituent pas des dépenses utiles à la personne publique pouvant être remboursées au cocontractant

CE, 17 juin 2022, Société Lacroix City Saint-Herblain c/ Département de la Seine-Maritime, req. n° 454189, mentionné aux tables du Recueil Lebon

Saisi par la société Lacroix City Saint-Herblain d’une demande tendant à l’annulation de l’arrêt de la cour administrative d’appel de Douai en date du 7 mai 2021 par laquelle celle-ci l’a condamnée à verser au département de la Seine-Maritime la somme de 2 752 093,04 euros au titre de plusieurs marchés annulés entre les années 1999 et 2006, le Conseil d’Etat est venu apporter d’utiles précisions concernant la notion de dépenses utiles à la personne publique engagées pour l’exécution d’un contrat annulé en raison d’une pratique anticoncurrentielle.

En effet, tout d’abord, le Conseil d’Etat est venu rappeler que la personne publique victime, de la part de son cocontractant, de pratiques anticoncurrentielles constitutives d’un dol ayant vicié son consentement, peut saisir le juge administratif, alternativement ou cumulativement, de conclusions tendant :

d’une part, à ce que le juge prononce l’annulation du marché litigieux et tire les conséquences financières de sa disparition rétroactive ;

d’autre part, à la condamnation du cocontractant, au titre de sa responsabilité quasi-délictuelle, à réparer les préjudices subis en raison de son comportement fautif.

Ensuite, le Conseil d’Etat a également rappelé qu’en cas d’annulation du contrat en raison d’une pratique anticoncurrentielle imputable au cocontractant, ce dernier doit restituer les sommes que lui a versées la personne publique.

Toutefois, en contrepartie, le cocontractant peut, en se plaçant sur le terrain quasi-contractuel, prétendre au remboursement des dépenses qu’il a engagées et qui ont été utiles à la personne publique.

C’est dans ce cadre que, toujours en cas d’annulation du contrat, la personne publique peut demander la réparation des autres préjudices que lui aurait causés le comportement du cocontractant. En revanche, la personne publique ne saurait obtenir, sur le terrain quasi-délictuel, la réparation du préjudice lié au surcoût qu’ont impliqué les pratiques anticoncurrentielles dont elle a été victime puisque, ainsi que cela est rappelé par le Conseil d’Etat, « cette annulation entraîne par elle-même l’obligation pour le cocontractant de restituer à la personne publique toutes les dépenses qui ne lui ont pas été utiles ».

Concernant le point de savoir quelles sont les dépenses qui ont été utiles à la personne publique, le Conseil d’Etat est venu préciser que « les dépenses utiles comprennent, à l’exclusion de toute marge bénéficiaire, les dépenses qui ont été directement engagées par le cocontractant pour la réalisation des fournitures, travaux ou prestations destinés à l’administration. ».

En conséquence constituent des dépenses utiles la quote-part des frais généraux qui contribue à l’exécution du marché et est, à ce titre, utile à la personne publique. A contrario, ne constituent pas des dépenses utiles pour l’exécution du marché :

– les frais de communication ;

– les frais financiers engagés par le cocontractant s’il s’agit d’un marché public (à l’exclusion des marchés de partenariat).

C’est dans ce cadre que le juge a censuré la méthode d’évaluation retenue par la personne publique en considérant que : « La méthode proposée par le département de la Seine-Maritime, fondée sur la déduction du prix des prestations à la fois du surcoût supporté par la personne publique à la suite de l’entente anticoncurrentielle et de la marge bénéficiaire de l’entreprise, ne saurait être en l’espèce retenue dès lors, d’une part, qu’une telle méthode conduit à intégrer dans l’assiette des dépenses utiles une partie de frais correspondant à des frais généraux non liés à l’exécution des prestations, qui ne sauraient être regardés comme étant utiles à la personne publique, et que, d’autre part, l’évaluation du surcoût supporté par le département, fondée sur la seule comparaison avec un unique marché conclu par le département en 2010, sans prise en compte d’éventuels facteurs exogènes, conduit à retenir un taux excessif de surcoût pour la personne publique. »

CE, 17 juin 2022, Société Lacroix City Saint-Herblain c/ Département de la Seine-Maritime, req. n° 454189, mentionné aux tables du Recueil Lebon

Centre de préférences de confidentialité