Droit de préemption urbain : le Conseil d’Etat précise les conditions d’application dans le temps d’une délégation consentie par le conseil municipal au maire

Les modalités d’applicabilité dans le temps des délégations consenties par l’organe délibérant d’une collectivité territoriale à son exécutif sont parfois d’une interprétation délicate.

S’agissant des communes, l’article L. 2122-22 du code général des collectivités territoriales dispose que le maire peut, par délibération du conseil municipal, être chargé en tout ou partie et pour la durée de son mandat, notamment d’exercer le droit de préemption urbain au nom de la commune, que celle-ci en soit délégataire ou titulaire. L’article L. 213-3 du code de l’urbanisme prévoit que le titulaire du droit de préemption peut déléguer son droit à une collectivité locale. Cette délégation porte alors sur l’aliénation d’un bien en particulier ou sur tout ou partie d’une zone concernée par un projet d’aménagement.

Le Conseil d’Etat était saisi d’une affaire dans laquelle le maire d’une commune avait reçu délégation, par délibération du 28 avril 2014 et pour la durée de son mandat, pour l’exercice au nom de sa commune des droits de préemption définis par le code de l’urbanisme. La commune avait postérieurement, par une décision du 8 juillet 2015, reçu délégation de la communauté d’agglomération (CA) à laquelle elle appartient, pour préempter deux parcelles en particulier.

La question se posait donc de la validité de la décision de préemption prise par le maire pour l’exercice, par la commune, d’une délégation qui lui avait été consentie postérieurement à la délégation donnée au maire pour l’exercice du droit de préemption.

Le Conseil d’Etat a jugé, par une décision rendue le 28 janvier 2021, fichée au recueil Lebon sur ce point, que la circonstance que la délégation de la CA à la commune soit intervenue postérieurement à la date de la délégation du conseil municipal au maire était sans incidence sur la compétence de ce dernier pour adopter la décision litigieuse, au regard de la portée de cette dernière délégation. Dans la mesure où celle-ci avait été consentie pour la totalité du mandat du maire, le Conseil d’Etat a estimé qu’elle couvrait y compris la prise des décisions pour lesquelles la commune est devenue compétente dans le cours de ce mandat, eu égard notamment à la faculté, pour le conseil municipal, d’y mettre fin à tout moment.

Dans le cas d’espèce, le Conseil d’Etat rappelle également qu’une décision de préemption ne peut porter sur une partie seulement de parcelles ayant fait l’objet d’une déclaration d’intention d’aliéner, conformément à sa jurisprudence classique (CE Sect. 23 juin 1995, Bouxières aux Dames, n° 128151), et qu’elle doit être justifiée, à la date de la préemption, par un projet réel répondant aux objets mentionnés à l’article L. 300-1 du code de l’urbanisme, alors même que ses caractéristiques précises n’auraient pas été définies à cette même date. La décision de préemption doit, en outre, répondre à un intérêt général suffisant, apprécié au regard des caractéristiques du bien faisant l’objet de l’opération ou au coût prévisible de cette dernière.

Le Conseil d’Etat valide l’arrêt d’appel en ce qu’il avait, notamment, jugé que la disproportion entre la surface nécessitée par l’opération envisagée et la superficie du bien préempté n’était pas de nature à remettre en cause l’intérêt général de l’opération, compte tenu de l’impossibilité d’une préemption partielle, et du fait que le surplus du terrain était susceptible d’être utilisé pour des aménagements d’intérêt public.

CE, 28 janvier 2021, Sociétés Maritimo, Perspective Avenir et Juliette, req. n° 429584

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