Il appartient au maître d’ouvrage d’inscrire dans le décompte général et définitif les travaux ayant fait l’objet de réserves non-levées

Il appartient au maître d’ouvrage d’inscrire dans le décompte général et définitif les travaux ayant fait l’objet de réserves non-levées

CE, 28 mars 2022, Commune de Sainte-Flaive-des-Loups, req. n°450477

Afin de procéder à la transformation d’une grange en bibliothèque, la commune de Sainte-Flaive-des-Loups a lancé un marché de réaménagement comprenant un lot relatif à la démolition du gros œuvre. Ce lot a été attribué à la société MC Bat le 3 novembre 2011 et la réception des travaux a été prononcée en juillet 2012, sous réserve de l’achèvement de certaines prestations dont l’enduit extérieur. Dans le décompte général transmis à la société MC Bat, la commune a refusé de lever les réserves et a déduit du montant du marché la somme relative à la finition de l’enduit extérieur. Contestant ce décompte, la société MC Bat a demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner la commune lui à verser le solde de ce décompte.

Par un jugement en date du 19 juin 2019, confirmé en appel par un arrêt du 8 janvier 2021en appel, il a été jugé que, malgré l’inscription dans le décompte général et définitif d’une somme correspondant aux travaux ayant fait l’objet de réserves non levées, la commune maître d’ouvrage ne pouvait se prévaloir d’une créance correspondant à cette somme à l’encontre du titulaire au motif que ces travaux n’avaient pas été réalisés.

Pour mémoire, en cas de réserves, l’entrepreneur doit remédier aux imperfections ou malfaçons dans un certain délai et si les travaux ne sont pas finalement réalisés, l’acheteur public peut les faire exécuter aux frais et risque de l’entrepreneur (article 41.6 du CCAG Travaux de 1976).

Saisi d’un pourvoi en cassation, le Conseil d’Etat se prononce sur les dispositions du CCAG Travaux et considère que, d’une part, « s’il résulte des termes du dernier alinéa de l’article 41.6 du CCAG que le maître d’ouvrage peut faire exécuter aux frais et risques du titulaire les travaux ayant fait l’objet de réserves lors de la réception qui n’ont pas été levées dans le délai imparti au titulaire pour ce faire, il n’en résulte pas qu’il devrait le faire avant l’établissement du décompte général » et que, d’autre part, « l’ensemble des opérations auxquelles donne lieu l’exécution d’un marché public est compris dans un compte dont aucun élément ne peut être isolé et dont seul le solde arrêté lors de l’établissement du décompte général et définitif détermine les droits et obligations définitifs des parties. Toutes les conséquences financières de l’exécution du marché sont retracées dans ce décompte même lorsqu’elles ne correspondent pas aux prévisions initiales. »

Par conséquent, la Haute juridiction relève que « Lorsque des réserves ont été émises lors de la réception et n’ont pas été levées, il appartient au maître d’ouvrage d’en faire état au sein de ce décompte. À défaut, le caractère définitif de ce dernier a pour effet de lui interdire toute réclamation des sommes correspondant à ces réserves. Les réserves ainsi mentionnées dans le décompte peuvent être chiffrées ou non » et précise deux hypothèses pouvant se présenter en cas de formulation de réserves et de réalisation des travaux correspondant :

  • Lorsque les réserves sont mentionnées dans le décompte sans être chiffrées, celui-ci ne devient définitif que sur les éléments qui n’ont pas fait l’objet de réserves.
  • Lorsque le maître d’ouvrage chiffre le montant de ces réserves dans le décompte et que ce montant n’a fait l’objet d’aucune réclamation de la part du titulaire, le décompte devient définitif dans sa totalité.

Dans ce cadre « Les sommes correspondant à ces réserves peuvent être déduites du solde du marché au titre des sommes dues au titulaire au cas où celui-ci n’aurait pas exécuté les travaux permettant la levée des réserves. »

Ainsi, suivant les conclusions de la Rapporteure publique Mme Mireille LE CORRE, le Conseil d’Etat considère que la Cour administratif d’appel de Nantes a commis une erreur de droit et l’arrêt du 8 janvier 2021 est annulé.

https://www.conseil-etat.fr/fr/arianeweb/CE/decision/2022-03-28/450477