Il n’est pas permis à l’administration de procéder à la destruction de documents administratifs, alors même que leur date de conservation a expiré, après la notification d’un jugement lui enjoignant de les communiquer

Il n’est pas permis à l’administration de procéder à la destruction de documents administratifs, alors même que leur date de conservation a expiré, après la notification d’un jugement lui enjoignant de les communiquer

Conseil d’Etat, 17 mars 2022, 10e – 9e chambres réunies, req. n°452034

L’association « Nos Amis les Animaux » (NALA) a demandé, sur le fondement des dispositions de l’article L311-1 du CRPA, à la société Solution Antoine Beaufour, titulaire d’une délégation de service public de fourrière animale, la communication de documents administratifs pour la période allant du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2015.

La société Solution Antoine Beaufour ayant refusé implicitement de faire droit à cette demande, le Tribunal administratif Nantes a, le 11 décembre 2018, annulé cette décision et enjoint à la société de communiquer les documents demandés. Cette dernière n’a pas exécuté le jugement ainsi rendu et a, en considérant que leur date de conservation avait expiré, détruit lesdits documents début janvier 2019. Saisi de nouveau, le tribunal administratif de Nantes a prononcé le 28 juillet 2020 une astreinte quotidienne à l’encontre de la société Solution Antoine Beaufour si elle ne justifiait pas avoir exécuté le jugement du 11 décembre 2018 en procédant à la communication des documents administratifs ou justifié de leur destruction ou de leur versement aux archives.

Saisi d’un pourvoi, le Conseil d’Etat considère que « les administrations mentionnées à l’article L. 311-1 du code des relations entre le public et l’administration ne peuvent s’exonérer de leur obligation d’assurer l’exécution d’une décision de justice annulant une décision de refus de communication de documents administratifs et de celle de communiquer les documents sollicités dans les conditions prévues par cette décision qu’à la condition d’établir l’impossibilité matérielle de communiquer lesdits documents. »

Selon la Haute juridiction, cette impossibilité matérielle est réputée établie lorsque :

  • D’une part, des faits postérieurs au jugement ou des faits dont les administrations ne pouvaient faire état avant le prononcé du jugement ont rendu impossible la communication des documents.

 

  • D’autre part, toutes les diligences nécessaires pour assurer l’exécution de cette décision compte tenu de la date d’élaboration des documents demandés et de la précision de la demande ont été accomplies.

Par conséquent, le Conseil d’Etat juge que les administrations « ne peuvent en aucun cas procéder à la destruction délibérée des documents dont le refus de communication a été annulé par le juge administratif, alors même que la réglementation ne leur imposerait plus, à cette date, de les conserver. »

Aussi, lorsque les administrations ont détruit les documents administratifs après la notification d’un jugement enjoignant de les communiquer, « elles sont tenues d’accomplir toutes les diligences nécessaires pour les reconstituer, sous réserve d’une charge de travail manifestement disproportionnée, sans préjudice de l’engagement de leur responsabilité. »

Conseil d’État, 10ème – 9ème chambres réunies, 17/03/2022, 452034 – Légifrance (legifrance.gouv.fr)