Entre les mois de juin et juillet 2016, la commune de Cast a adopté deux délibérations et pris une décision aux termes desquelles elle a d’abord demandé un moratoire au déploiement des compteurs « Linky » sur son territoire, puis a refusé le déploiement de ces compteurs sur le territoire de la commune, et enfin a rejeté le recours gracieux intenté par la société Enedis.
Saisi par une requête formée par la société Enedis, le Tribunal administratif de Rennes a annulé les délibérations et décision contestées. La Cour administrative d’appel de Nantes ayant confirmé ce jugement, la commune de Cast a décidé de se pourvoir en cassation.
Par un arrêt qui sera mentionné aux tables du recueil Lebon, le Conseil d’Etat a rejeté la demande de la Commune de Cast.
En effet, après avoir confirmé l’intérêt suffisant à agir de la société Enedis en ce que les délibérations et décision querellées présentaient le caractère d’actes faisant grief, la Haute juridiction s’est prononcée sur la propriété des compteurs électriques « Linky ».
A cet égard, cette dernière a considéré, en application des dispositions prévues par les articles L.1321-1, L.1321-4 et L.2224-31 du code général des collectivités territoriales ainsi que par celles de l’article L.322-4 du code de l’énergie que « la propriété des ouvrages des réseaux publics de distribution d’électricité est attachée à la qualité d’autorité organisatrice de ces réseaux ». Ainsi, lorsqu’une commune transfère sa compétence en matière d’organisation de la distribution d’électricité à un établissement public de coopération, celui-ci devient autorité organisatrice sur le territoire de la commune, et in fine propriétaire des ouvrages des réseaux en cause, y compris des installations de comptage.
Or, relevant que la commune de Cast était membre du syndicat départemental d’électricité du Finistère et que ce dernier avait la qualité d’autorité organisatrice des réseaux publics de distribution d’électricité, le Conseil d’Etat a jugé que la Cour administrative d’appel de Nantes n’avait commis aucune erreur de droit en considérant que le syndicat était donc propriétaire des compteurs électriques. Dès lors, la commune était incompétente pour s’opposer ou imposer des conditions au déploiement des compteurs « Linky ».
Néanmoins, et ainsi qu’il le sera exposé ci-après, l’intérêt de cet arrêt réside surtout dans le fait que le Conseil d’Etat a jugé que ni les pouvoirs de police du maire, ni le principe de précaution ne permettaient valablement à la commune de Cast de s’opposer à l’installation des compteurs « Linky ».
D’une part, s’agissant du rejet de la justification fondée sur les pouvoirs de police du maire, le Conseil d’Etat a indiqué, après par un long raisonnement consacré premièrement aux missions et prérogatives incombant aux gestionnaires de réseau de distribution d’électricité, et deuxièmement à celles incombant aux autorités de l’Etat en la matière, que « les articles L. 2212-1 et L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales habilitent le maire à prendre, pour la commune, les mesures de police générale nécessaires au bon ordre, à la sûreté, à la sécurité et à la salubrité publiques, il ne saurait adopter sur le territoire de la commune des décisions portant sur l’installation de compteurs électriques communicants qui seraient destinées à protéger les habitants contre les effets des ondes émises ».
D’autre part, s’agissant du rejet de la justification fondée sur le principe de précaution, la Haute juridiction a précisé, aux termes de l’article 5 de la Charte de l’environnement, que ce principe « ne saurait avoir ni pour objet ni pour effet de permettre à une autorité publique d’excéder son champ de compétence et d’intervenir en dehors de ses domaines d’attributions ». Dans ces conditions, le principe de précaution ne saurait légitimer les délibérations et décision prises par la commune de Cast, au motif qu’elles viseraient à protéger ses habitants contre les effets des ondes électromagnétiques émises par les compteurs « Linky ».
Enfin, les circonstances alléguées par la commune de Cast résultant d’erreurs de branchement et d’incursions sans autorisations d’agents de la société Enedis sur des propriétés privées clôturées ne suffisent pas, à elles seules, à caractériser l’existence d’un trouble à l’ordre public ou d’un risque pour la sécurité justifiant la suspension de l’installation des compteurs « Linky » sur le territoire de la commune.