Le présent litige opposant le département de la Vendée, maître d’ouvrage, au groupement chargé de la maîtrise d’œuvre pour la réalisation de l’opération de construction du musée dénommé « Historial de la Vendée » a permis de préciser le délai de prescription applicable – quinquennale ou décennale – à l’action en responsabilité contractuelle engagée par le maître d’ouvrage contre les constructeurs ou leurs sous-traitants.
En effet, tandis que la société attributaire du lot relatif à la construction de la charpente métallique du musée avait dû faire face à des surcoûts résultant de la réalisation de plans d’exécution, de notes de calcul et de la modification du plan constructif initial, le département s’était vu condamné en première instance à l’indemniser avant d’être déchargé de cette somme par la cour administrative d’appel annulant le jugement. Invoquant la prescription de l’action en cause, c’est à l’encontre de cet arrêt du 20 novembre 2020 que la société Arest, membre du groupement de maîtrise d’œuvre, s’est pourvue en cassation.
D’abord, le Conseil d’Etat a rappelé que le recours d’un constructeur contre un autre constructeur ou son sous-traitant relève des dispositions de l’article 2224 du code civil relatif aux actions personnelles ou mobilières et se prescrit, par conséquent, par cinq ans à compter du jour où le premier a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.
Ensuite, le Conseil d’Etat a précisé que l’article 1792-4-3 du code civil prévoit qu’ « en dehors des actions régies par les articles 1792-3, 1792-4-1 et 1792-4-2, les actions en responsabilité dirigées contre les constructeurs désignés aux articles 1792 et 1792-1 et leurs sous-traitants se prescrivent par dix ans à compter de la réception des travaux », et que ces dispositions, créées par la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, ont été insérées dans le chapitre du code civil consacré au contrats de louage d’ouvrage et d’industrie. Ainsi, « ces dispositions ont vocation à s’appliquer aux actions en responsabilité dirigées par le maître d’ouvrage contre les constructeurs ou leurs sous-traitants ».
Enfin, la Haute juridiction a estimé que la cour administrative d’appel de Nantes n’avait pas commis d’erreur de droit en écartant l’application de la prescription quinquennale de droit commun au profit de la prescription décennale. En effet, dans la mesure ou l’action en responsabilité contractuelle était en l’espèce « dirigée par le département de la Vendée, maître d’ouvrage, contre certains membres du groupement de maîtrise d’œuvre, notamment la société Arest, ayant la qualité de constructeurs » c’était bien la responsabilité décennale prévue par l’article 1792-4-3 du code civil qui s’appliquait à une telle action, alors même qu’elle ne concerne pas un désordre affectant la solidité de l’ouvrage ou le rendant impropre à sa destination.
CE, 12 avril 2022, Société Arest, req. n° 448946, aux Tables