La seule commune intention des parties ne peut justifier une dérogation à l’ordre juridictionnel compétent pour connaître des litiges nés du contrat en cause, en l’occurrence d’un contrat administratif

Par un arrêt rendu le 10 décembre 2018, le Tribunal des conflits est venu préciser que les parties à un contrat administratif ne pouvaient déroger à la compétence d’un ordre juridictionnel par l’introduction d’une stipulation en ce sens.

Dans cette affaire, une convention d’aménagement avait été conclue entre un syndicat mixte pour l’aménagement et l’exploitation d’une station de ski alpin et une société d’aménagement. Cette convention comportait une clause qui prévoyait qu’en cas de résiliation du contrat le syndicat mixte pourrait notamment demander à son cocontractant de restituer les terrains qui lui ont été cédés par la personne publique, et ce en contrepartie d’une indemnité fixée à l’amiable entre les parties ou à défaut d’accord « comme en matière d’expropriation ».

Consécutivement à la résiliation de la convention d’aménagement par le syndicat mixte, le Tribunal administratif de Nice a enjoint à la société d’aménagement de restituer les terrains réclamés par le syndicat mixte. Ensuite, saisie en appel, la Cour administrative d’appel de Marseille a enjoint au syndicat mixte de saisir le service des domaines pour l’évaluation de la plus-value à prendre en compte pour calculer l’indemnité due à la société d’aménagement et à défaut « la partie la plus diligente doit saisir le juge de l’expropriation ».

Partant, la société d’aménagement, après avoir sollicité en vain l’avis du service des domaines, a demandé au juge de l’expropriation de fixer le montant de l’indemnité en cause.

Cependant, le juge de l’expropriation, puis la Cour d’appel d’Aix-en-Provence, ont tous deux déclinés leur compétence pour fixer cette indemnité et l’affaire a été renvoyée au Tribunal des conflits.

Dans cette affaire, les parties à l’instance soutenaient que la compétence du juge judiciaire résultait notamment de l’objet du litige, en l’occurrence un transfert de propriété privée.

Le Tribunal des conflits n’a pas suivi ce raisonnement et a jugé, après avoir relevé que la convention litigieuse était un contrat administratif, « qu’alors même que les parties auraient entendu par les stipulations mentionnées ci-dessus, convenir d’une attribution de compétence au profit du juge judiciaire et dès lors, par ailleurs, (…) il ne résulte d’aucune disposition législative que la compétence devrait être attribuée à la juridiction judiciaire, le juge administratif est seul compétent pour connaître d’un tel litige, y compris pour fixer le montant de la plus-value à prendre en compte au titre des terrains restitués sur lesquels des travaux ont été réalisés. »

En d’autres termes, les parties à un contrat administratif ne peuvent, par l’introduction d’une stipulation en ce sens, déroger à la compétence du juge administratif.

Tribunal des conflits, 10 décembre 2018, Société d’aménagement d’Isola 2000 c/ Syndicat mixte pour l’aménagement et l’exploitation de la station d’Isola 2000, n°C4143