Dans le cadre d’un contentieux portant sur la légalité d’un arrêté de refus de délivrance d’un permis de construire, le juge administratif ne saurait conditionner la substitution de motifs à la formulation en ce sens d’une demande expresse par la personne publique.
Pour mémoire, depuis la jurisprudence « Hallal », le Conseil d’Etat a, dans le cadre d’un contentieux d’excès de pouvoir, reconnu à l’Administration la possibilité de substituer le(s) motif(s) ayant conduit à l’édiction d’une décision, lui permettant ainsi de se fonder sur un motif de droit ou de fait autre que celui initialement retenu, sous réserve de ne pas priver l’administré d’une garantie procédurale liée au motif substitué (CE, 6 février 2004, Mme Hallal, req. n° 240560).
A la faveur d’un arrêt rendu le 19 mai 2021, mentionné dans les tables du recueil Lebon, le Conseil d’Etat a précisé les conditions dans lesquelles le juge peut procéder à une substitution de motifs dans le cadre d’un contentieux :
« L’administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l’excès de pouvoir que la décision dont l’annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l’auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d’apprécier s’il résulte de l’instruction que l’administration aurait pris la même décision si elle s’était fondée initialement sur ce motif. Dans l’affirmative, il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu’elle ne prive pas le requérant d’une garantie procédurale liée au motif substitué ».
En l’espèce, par arrêté en date du 23 octobre 2015, le maire de la commune de Rémire-Montjoly a refusé de délivrer à M. A le permis de construire qu’il sollicitait en vue de la réalisation d’une maison d’habitation. Lésé par cette décision, M. A l’a déféré à la censure du tribunal administratif de Guyane, lequel l’a rejeté. Cependant, saisie d’un appel interjeté par M. A, la cour administrative d’appel de Paris a annulé ce jugement. La commune de Rémire-Montjoly s’est pourvue en cassation contre cet arrêt.
En l’occurrence, devant la cour administrative d’appel, la commune de Rémire-Montjoly avait soutenu que le refus de permis de construire était légalement justifié par le motif, autre que celui qu’elle avait initialement opposé à M. A dans l’arrêté du 23 octobre 2015, résultant de la circonstance que le projet de construction litigieux ne s’accompagnait pas de la mise en valeur ou de l’aménagement de l’ensemble de la parcelle lui servant d’assise comme l’exige le III de l’article NC 1 du règlement du plan local d’urbanisme.
Cependant, la cour, qui avait relevé que la commune de Rémire-Montjoly présentait un autre motif que celui ayant initialement fondé la décision en litige, a exigé de sa part qu’elle formule en outre une demande expresse de substitution de motifs.
Or, ce faisant, le Conseil d’Etat considère que la cour administrative d’appel de Paris a commis une erreur de droit.
En conséquence, l’arrêt rendu par la cour administrative d’appel de Paris est annulé, le Conseil d’Etat décidant de renvoyer l’affaire à cette même juridiction.