L’architecte titulaire d’une mission complète de maîtrise d’œuvre engage sa responsabilité contractuelle envers le maître d’ouvrage en cas de non-conformité de l’ouvrage aux plans

Cass., 3ème civ., 7 novembre 2024, pourvoi n° 23-12.315, publié au bulletin

A la faveur d’une décision rendue le 7 novembre 2024, la Cour de cassation renforce la responsabilité de l’architecte titulaire d’une mission complète de maîtrise d’œuvre envers le maître d’ouvrage.

La troisième chambre civile a en effet jugé qu’en cas de non-conformité de l’ouvrage aux plans établis par l’architecte, ce dernier, même s’il ne s’est pas expressément vu confier une mission spécifique relative au mesurage de l’ouvrage, engage sa responsabilité contractuelle :

« 5. Pour rejeter la demande d’indemnisation formée par le maître de l’ouvrage contre l’architecte, l’arrêt retient qu’il est établi que la surface du lot n° 18 présente un déficit d’au moins 6,70 m² par rapport à la surface attendue mais que l’architecte, qui était chargé d’une mission complète de base de maîtrise d’oeuvre allant des études préliminaires à l’assistance à la réception et au dossier des ouvrages exécutés, ne s’était pas vu confier de missions complémentaires dont celles visées au paragraphe G.4.1, soit « les relevés comprenant le mesurage et la représentation graphique de tout ou partie d’un ouvrage existant » et au paragraphe G.4.6, soit « le calcul des superficies » (loi Carrez).

6. Il en déduit que l’architecte, n’étant tenu d’aucune mission de mesurage des ouvrages, ne saurait se voir reprocher un manquement dans l’exercice de ses missions de base.

7. En statuant ainsi, alors qu’elle avait constaté que M. [E] était chargé d’une mission complète, laquelle incluait nécessairement la direction de l’exécution des travaux, de sorte que l’architecte était tenu de veiller à une exécution conforme aux prévisions contractuelles et aux plans établis, même en l’absence de mission particulière portant sur le mesurage des surfaces, la cour d’appel a violé le texte susvisé».

Ainsi, le maître d’ouvrage est recevable à solliciter, non seulement, l’indemnisation du manque à gagner résultant de la non-conformité de l’ouvrage aux prévisions contractuelles, mais, de surcroît, l’indemnisation de la perte de chance de conclure la vente de l’ouvrage à un prix supérieur s’il n’avait pas été affecté de cette non-conformité :

« 10. Il en résulte [de l’ancien article 1147 du code civil] que le maître de l’ouvrage peut réclamer l’indemnisation d’un manque à gagner résultant de la non-conformité de l’ouvrage aux prévisions contractuelles si celle-ci est imputable à un locateur d’ouvrage.

11. Pour rejeter la demande d’indemnisation formée par le maître de l’ouvrage contre l’architecte, l’arrêt retient qu’il ne peut être réclamé, sous couvert d’indemnisation, le remboursement d’une partie du prix de vente, lequel ne constitue pas un préjudice indemnisable.

12. En statuant ainsi, la cour d’appel a violé le texte susvisé. (…)

15. Il en résulte [des articles 4 et 5 du code de procédure civile] que le juge ne peut refuser d’indemniser une perte de chance de ne pas subir un dommage, dont il constate l’existence, en se fondant sur le fait que seule une réparation intégrale de ce dommage lui a été demandée.

16. Pour rejeter la demande d’indemnisation formée par le maître de l’ouvrage contre l’architecte, l’arrêt retient que la SCCV n’établit pas qu’elle aurait nécessairement vendu son lot pour un montant supérieur de 30 731 euros s’il avait eu la superficie attendue de 73 m², en sorte que son préjudice ne peut être équivalent qu’à une perte de chance mais en aucun cas à l’exacte différence de prix résultant de la différence de surface.

17. En statuant ainsi, la cour d’appel a violé les textes susvisés».

 

Cass., 3ème civ., 7 novembre 2024, pourvoi n° 23-12.315, publié au bulletin

 

 

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