Le Conseil d’Etat a précisé l’étendu des pouvoirs des juges d’appel et de cassation, lorsqu’ils sont saisis de conclusions tendant à la régularisation d’une autorisation d’urbanisme

Par un arrêt rendu le 15 février 2019, la Section du Conseil d’Etat a défini l’office qui incombe au juge d’appel et au juge de cassation en matière de régularisation d’une autorisation d’urbanisme.

En effet, après avoir rappelé les termes des articles L.600-5 et L.600-5-1 du code de l’urbanisme, la Haute juridiction a considéré que le juge de cassation, qui serait « saisi d’un pourvoi dirigé contre une décision juridictionnelle retenant plusieurs motifs d’illégalité d’un permis de construire, de démolir ou d’aménager, puis refusant de faire usage des dispositions des articles L. 600-5 ou L. 600-5-1 du code de l’urbanisme », « dans le cas où il censure une partie de ces motifs, ne peut rejeter le pourvoi qu’après avoir vérifié si les autres motifs retenus et qui demeurent justifient ce refus ».

En l’espèce, saisie d’une annulation partielle d’un arrêté de permis de construire un immeuble d’habitation retenue par le Tribunal administratif de Toulon, la Cour administrative d’appel de Marseille a annulé cet arrêté, motifs pris de la méconnaissance des articles UB 11.3 et UB 14 du règlement du plan local d’urbanisme, et a refusé de faire application des articles L.600-5 et L.600-5-1 du code de l’urbanisme.

Jugeant que le juge d’appel avait commis une erreur de droit en fondant sa décision sur l’article UB 14 et que l’article UB 11.3 était susceptible de faire l’objet d’une mesure de régularisation en application des articles précités du code de l’urbanisme, la Section du Conseil d’Etat a décidé de régler l’affaire au fond.

A cet égard, rappelant au préalable que les dispositions de l’article L.600-5-2 du code de l’urbanisme, dans leur rédaction issue de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (dite « ELAN ») « sont applicables aux instances en cours à la date de leur entrée en vigueur », la Haute juridiction précise le rôle du juge d’appel, lorsque celui-ci est saisi d’un jugement par lequel le tribunal administratif a fait usage des pouvoirs qu’il tient de l’article L.600-5 et qu’une mesure de régularisation est intervenue :

« 11. Il appartient alors au juge d’appel de se prononcer, dans un premier temps, sur la légalité du permis initial tel qu’attaqué devant le tribunal administratif. S’il estime qu’aucun des moyens dirigés contre ce permis, soulevés en première instance ou directement devant lui, n’est fondé, le juge d’appel doit annuler le jugement, rejeter la demande d’annulation dirigée contre le permis et, s’il est saisi de conclusions en ce sens, statuer également sur la légalité de la mesure de régularisation. Si au contraire, il estime fondés un ou plusieurs des moyens dirigés contre le permis initial mais que les vices affectant ce permis ne sont pas régularisables, le juge d’appel doit annuler le jugement en tant qu’il ne prononce qu’une annulation partielle du permis et annuler ce permis dans son ensemble, alors même qu’une mesure de régularisation est intervenue postérieurement au jugement de première instance, cette dernière ne pouvant alors, eu égard aux vices affectant le permis initial, avoir pour effet de le régulariser. Il doit par suite également annuler cette mesure de régularisation par voie de conséquence. »

Et, à la Section du Conseil d’Etat de terminer en exposant que « dans les autres cas, c’est à dire lorsque le juge d’appel estime que le permis initialement attaqué est affecté d’un ou plusieurs vices régularisables, il statue ensuite sur la légalité de ce permis en prenant en compte les mesures prises le cas échéant en vue de régulariser ces vices, en se prononçant sur leur légalité si elle est contestée. Au terme de cet examen, s’il estime que le permis ainsi modifié est régularisé, le juge rejette les conclusions dirigées contre la mesure de régularisation. S’il constate que le permis ainsi modifié est toujours affecté d’un vice, il peut faire application des dispositions de l’article L. 600-5 ou de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme pour permettre sa régularisation. »

CE, Section, 15 février 2019, Commune de Cogolin, req. n° 401384