Le Conseil d’Etat vient préciser les contours de la procédure de régularisation des autorisations d’urbanisme posée par l’article L600-5-1 du Code de l’urbanisme

Le Conseil d’Etat vient préciser les contours de la procédure de régularisation des autorisations d’urbanisme posée par l’article L600-5-1 du Code de l’urbanisme

Conseil d’Etat, 6e – 5e chambres réunies, 16 février 2022, Association « Eoliennes s’en nait trop », req. n° 420554

Le 12 janvier 2012, par huit arrêtés du préfet de la région Auvergne, la société MSE La Tombelle s’est vue délivrée des permis de construire pour l’implantation de six éoliennes et deux postes de livraison sur le territoire des communes de Courçais et Viplaix. L’association « Eoliennes s’en nait trop » a saisi le tribunal administratif de Clermont-Ferrand, afin d’obtenir l’annulation pour excès de pouvoir des arrêtés. Par un jugement du 28 juin 2013, sa demande a été rejetée. Sur appel de l’association, la cour administrative d’appel de Lyon a annulé ce jugement ainsi que les arrêtés.

Saisi d’un premier pouvoir en cassation, le Conseil d’Etat a annulé, le 20 janvier 2016, l’arrêt de la cour administrative d’appel et renvoyé l’affaire au fond. Sur renvoi du Conseil d’Etat, les juges d’appel ont de nouveau décidé l’annulation du jugement et des huit permis de construire.

Saisi de nouveaux pourvois par le ministre de la Cohésion des territoires et par la société MSE La Tombelle, le Conseil d’Etat, sur le fondement de l’article L600-5-1 du Code de l’urbanisme relatif aux vices régularisables en contentieux de l’urbanisme, a rendu une décision avant dire droit le 27 mai 2019 en considérant, d’une part, que le motif de procédure était régularisable et, d’autre part, sursit à statuer, pour permettre la régularisation du vice de procédure entachant les arrêtés attaqués.

La Haute juridiction a indiqué que les éléments de régularisation devaient lui être notifiés jusqu’à l’expiration du délai de trois mois ou de six mois en cas de nouvelle enquête publique, à compter de la notification de sa décision. A la suite de cette décision, après avis de l’autorité environnementale et enquête publique complémentaire, les nouveaux permis de construire, visant à régulariser les permis initiaux, n’ont été adoptés puis notifiés au Conseil d’Etat qu’après l’expiration du délai accordé. 

Statuant définitivement sur l’affaire, le juge de la cassation a considéré qu’il résulte des dispositions de l’article L. 600-5-1 que, d’une part « il ne saurait se fonder sur la circonstance que ces mesures lui ont été adressées alors que le délai qu’il avait fixé dans sa décision avant dire droit était échu pour ne pas en tenir compte dans son appréciation de la légalité du permis attaqué » ; la production des permis de régularisation postérieurement à l’expiration du délai accordé ne saurait donc faire obstacle à ce que le juge tient compte de ces mesures de régularisation dans son appréciation de la légalité des permis en litige. D’autre part, les requérants parties à l’instance ayant donné lieu à la décision avant dire droit sont recevables à contester la légalité de la mesure de régularisation produite tant que le juge n’a pas statué au fond, sans condition de délai.

De plus, le Conseil d’Etat vient préciser qu’à compter de la décision par laquelle le juge recourt à l’article L600-5-1 du Code de l’urbanisme, seuls des moyens dirigés contre la mesure de régularisation notifiée au juge peuvent être invoqués devant lui. A ce titre, les parties peuvent, à l’appui de la contestation de l’acte de régularisation, invoquer des vices qui leurs sont propres et soutenir qu’ils n’ont pas pour effet de régulariser le vice constaté dans la décision avant dire droit. Elles ne peuvent en revanche soulever aucun autre moyen, à l’exception de ceux qui seraient fondés sur des éléments révélés par la procédure de régularisation.

Examinant les faits de l’espèce, le Conseil d’Etat considère que le vice retenu était tiré de l’irrégularité de l’avis rendu par l’autorité environnementale sur les demandes de permis de construire. Seuls les vices propres à la mesure de régularisation portant sur cet avis sont susceptibles d’être invoqués. Il en résulte que, les moyens tirés de ce que le permis en cause ne respecterait pas les normes de pollution sonore nouvellement en vigueur, qui ne portent ni sur le vice objet de la mesure de régularisation ni sur des vices propres à cette mesure et n’ont pas été révélés par l’avis émis par l’autorité environnementale, sont inopérants.

Le Conseil d’Etat relève que le vice de légalité entachant les permis de construire initiaux a été régularisé et, par voie de conséquence, rejette les conclusions de l’association  » Eoliennes s’en naît trop  » dirigées contre les permis régularisés.

https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000045184676?init=true&page=1&query=&searchField=ALL&tab_selection=cetat