Saisi à la suite du sursis à statuer du juge commissaire du tribunal judiciaire sur une action en revendication de propriété de la commune de Toulouse concernant des œuvres et biens composant le fonds photographique documentaire constitué par l’association La Photographie au Château d’eau pour l’exploitation d’une galerie, le tribunal administratif de Toulouse a été amené à qualifier les conventions conclues entre la commune et l’association.
Dans cette mesure, le tribunal administratif a déclaré par jugement en date du 2 février 2021 que les conventions conclues en 1985 et 1987 sont des marchés publics, et que celles conclues en 1998, 2003 et 2009 ainsi que l’ensemble contractuel conclu en 2013 sont des conventions d’objectifs et de moyens assorties de subventions. Cependant, le tribunal ne s’est pas estimé en mesure de répondre à la question préjudicielle qui lui été posée concernant la nature publique ou privée des biens. C’est à l’encontre de ce jugement que la commune de Toulouse s’est pourvue en cassation devant le Conseil d’Etat, jugeant la présente affaire.
La Haute juridiction a d’abord rappelé in extenso les définitions de marché public (contrat conclu par une personne publique pour répondre à ses besoins en matière de travaux de fournitures ou de services, en contrepartie d’un prix ou de tout équivalent – article L. 1111-1 du code de la commande publique) ; délégation de service public (contrat par lequel une collectivité territoriale confie la gestion d’un service public à un opérateur économique auquel est transféré un risque lié à l’exploitation du service, en contrepartie du droit d’exploiter ce service, éventuellement assorti d’un prix ; et subventions (contributions facultatives de toute nature, valorisées dans l’acte d’attribution, décidées par les autorités administratives et les organismes chargés de la gestion d’un service public industriel et commercial, justifiées par un intérêt général et destinées à la réalisation d’une action ou d’un projet d’investissement, à la contribution au développement d’activités ou au financement global de l’activité de l’organisme de droit privé bénéficiaire, étant précisé que ces contributions ne peuvent constituer la rémunération de prestations individualisées répondant aux besoins des autorités ou organismes qui les accordent – article 9-1 de la loi du 12 avril 2000).
Le Conseil d’Etat a précisé la différence fondamentale entre, d’une part, les contrats de concessions et les marchés publics qui répondent à un besoin de la personne publique et, d’autre part, les subventions qui au contraire ne peuvent être regardées comme des contrats de la commande publique comme le rappelle l’article L. 1100-1 du code de la commande publique.
Examinant les faits de l’espèce, le Conseil d’Etat a ensuite considéré que si la commune de Toulouse a apporté des soutiens financiers significatifs et quantitativement importants à son cocontractant, « celui-ci a toujours conservé un risque lié à l’exploitation de la galerie, son équilibre financier n’étant pas garanti par les sommes apportées par la commune ». Ainsi, dans la mesure où l’association a supporté les aléas de la gestion du musée et subi des pertes d’exploitation ayant conduit à son placement en procédure de redressement judiciaire, le juge de cassation estime que le tribunal administratif a inexactement qualifiés les faits en ne considérant pas ce risque d’exploitation, et en ne déduisant pas que les conventions conclues constituaient des délégations de service public.
Jugeant l’affaire au fond, le Conseil d’Etat les a finalement qualifiées comme tel après avoir considéré que la commune avait entendu confier la gestion d’un service public à l’association. Par voie de conséquence, il a jugé que les fonds photographique et documentaire de la galerie du Château d’eau, nécessaires au fonctionnement de ce service public muséal, constituent des biens de retour relevant ab initio de la propriété de la commune de Toulouse.
CE, 24 mars 2022, Commune de Toulouse, req. n° 449826, aux Tables