Le maître d’ouvrage est infondé à engager la responsabilité décennale du maître d’œuvre pour un désordre localisé et de faible ampleur

En vue de la consolidation de la structure du bâtiment du centre socio-culturel d’une part et de l’aménagement d’un pôle musical au deuxième niveau de ce centre d’autre part, la commune de Nueil-les-Aubiers a confié une mission de maîtrise d’œuvre comportant deux phases au groupement constitué par la société d’architecture Luc Cogny – mandataire –, la société Bureau technique du Poitou, la société ACE, la société Acoustex Ingénierie, et le Centre de recherche et diagnostic.

La seconde phase des travaux a été réceptionnée sans réserve le 28 juin 2010.

Néanmoins, prétextant la mauvaise qualité acoustique de deux salles de musique du pôle musical et du niveau élevé du bruit résultant de leur utilisation, la commune de Nueil-les-Aubiers a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Poitiers en vue de la désignation d’un expert.

Et, postérieurement au dépôt du rapport d’expertise, la commune a sollicité du tribunal administratif la condamnation solidaire du groupement, ainsi que des assureurs respectifs de chacun de ses membres à lui verser la somme de 252.012,58 euros correspondant au préjudice subi en raison des désordres affectant le pôle musical, sur le fondement de la responsabilité décennale.

Saisie de ce litige suite au rejet de la demande de la commune de Nueil-les-Aubiers par les juges de première instance, la cour administrative d’appel de Bordeaux commence par rappeler qu’en application de la garantie décennale des constructeurs, ces derniers sont responsables de plein droit pendant le délai de dix ans de la totalité des désordres apparus postérieurement à la réception, sous réserve qu’ils compromettent la solidité de l’ouvrage ou le rendent impropre à sa destination.

En l’espèce, il résulte du rapport d’expertise que deux salles de répétition sur les cinq salles de musique aménagées dans le cadre de la seconde phase du marché de maîtrise d’œuvre présentent des défauts d’isolation acoustique, qui seraient, d’après la commune, non conformes aux objectifs dont elle avait exigé le respect à la maîtrise d’œuvre. Elle souhaitait en effet que plusieurs salles de musique puissent être utilisées de manière concomitante avec isolation phonique entre chacune de ces salles et vis-à-vis des autres étages du centre culturel, afin de permettre les répétitions sans perturber non seulement le fonctionnement de ce centre, mais de surcroît la tranquillité des riverains.

Or, l’expertise a révélé que la pression acoustique dans ces deux salles est supérieure aux niveaux sonores fixés par le décret du 31 août 2006, alors applicable.

Toutefois, l’expert a également considéré que l’impossibilité d’utiliser ces deux salles de musique comme le maître d’ouvrage l’espérait n’est que partielle dans le temps et dans l’espace, sans que l’utilisation normale de ces salles ne soit remise en cause. Et, de surcroît, si le rapport d’expertise a retenu leur impropriété à destination, celle-ci ne résulte que du seul fait qu’il incombe aux musiciens utilisateurs de la salle de répétition de l’orchestre municipal de limiter eux-mêmes les émissions sonores, cependant que la salle de répétition de musique amplifiée peut être utilisée conformément à sa destination.

Ainsi, à l’instar du tribunal administratif, la cour administrative d’appel de Bordeaux juge que les nuisances sonores ne sont pas des désordres susceptibles de rentrer dans le champ d’application de la garantie décennale, eu égard à leur caractère localisé et à leur faible ampleur.

Par ailleurs, les juges d’appel considèrent comme tout autant infondée la recherche de responsabilité des membres du groupement de maîtrise d’œuvre par la commune pour les nuisances sonores subies par les habitants de la maison mitoyenne du centre culturel. En effet, et ainsi qu’il l’a été expliqué supra, la salle dédiée à la musique amplifiée peut être utilisée conformément à sa destination, à condition d’utiliser un appareil permettant de limiter le niveau sonore des répétitions. Et, en tout état de cause, les études réalisées par le bureau d’études acoustiques ne démontrent pas que les nuisances sonores résultant des répétitions de musique amplifiée excéderaient le niveau moyen de pression acoustique maximal fixé à 105 dB(A) par le décret du 15 décembre 1998 relatif aux prescriptions applicables aux établissements ou locaux recevant du public et diffusant à titre habituel de la musique amplifiée.

En conséquence, la cour administrative d’appel de Bordeaux rejette l’appel formé par la commune de Nueil-les-Aubiers.

CAA Bordeaux, 10 mars 2020, Commune de Nueil-les-Aubiers, req. n° 17BX03727

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