Dans cette affaire, la société Spie Batignolles Ile-de-France avait saisi le tribunal administratif de Strasbourg, d’une demande d’annulation de la décision implicite de refus née du silence gardé par la société Citivia SEM, mandataire de maîtrise d’ouvrage, sur sa demande de communication de différents documents relatifs à l’exécution des marchés publics pour la réhabilitation de la Maison de l’Alsace dans le VIIIème arrondissement de Paris (dont l’ensemble des rapports, compte rendus de réunion, l’ensemble des correspondances échangée entre le mandataire, la maître d’ouvrage et le maitre d’œuvre…) et d’y faire droit
Le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande d’annulation de la décision implicite de la société Citivia.
Saisi d’un pourvoi en cassation, le Conseil d’Etat rappelle qu’une personne privée peut être regardée, dans le silence de la loi, comme assurant une mission de service public lorsque, eu égard à l’intérêt général de son activité, aux conditions de sa création, de son organisation ou de son fonctionnement, aux obligations qui lui sont imposées ainsi qu’aux mesures prises pour vérifier que les objectifs qui lui sont assignés sont atteints, il apparaît que l’administration a entendu lui confier une telle mission. La Haute juridiction en conclut que le tribunal administratif de Strasbourg a commis une erreur de droit, dès lors que pour écarter l’existence d’une mission de service public gérée par la société Citivia SEM, le tribunal s’était borné à constater que le département du Haut-Rhin n’avait pas confié à la société des prérogatives de puissance publique, sans rechercher si, en l’absence de telles prérogatives, elle ne pouvait pas également être regardée comme assurant une mission de service public.
Le Conseil d’Etat estime qu’il résulte des dispositions de l’article L. 2422-10 du code de la commande publique que le mandataire de maîtrise d’ouvrage d’une des personnes mentionnées à l’article L. 300-2 du code des relations entre le public et l’administration, qui agit en son nom et pour son compte, est tenu, en application de l’article L. 311-1 du même code, et tant que sa mission n’est pas achevée, de communiquer aux tiers les documents administratifs qu’il a produits ou reçus dans le cadre de l’exercice de son mandat, dans les conditions prévues par le livre III dudit code.
Il rappelle enfin, qu’aux termes du f), 2° de l’article L. 311-5 du code des relations entre le public et l’administration, ne sont pas communicables les documents dont la consultation ou la communication porterait atteinte au déroulement des procédures engagées devant les juridictions ou d’opérations préliminaires à de telles procédures, sauf autorisation donnée par l’autorité compétente. Le Conseil d’Etat ajoute qu’eu égard à l’exigence de transparence imposée aux personnes mentionnées par l’article L. 300-2 du code des relations entre le public et l’administration, que la seule circonstance que la communication d’un document administratif soit de nature à affecter les intérêts d’une partie à une procédure juridictionnelle, ou qu’un document ait été transmis à une juridiction dans le cadre d’une instance engagée devant elle, ne fait pas obstacle à la communication par les personnes précitées de ces documents ou des documents qui leur sont préparatoires.
Il en conclut que la société Spie Batignolles Ile-de-France est fondée à demander l’annulation de la décision par laquelle la société Citivia SEM, agissant au nom et pour le compte du département du Haut- Rhin, lui a refusé la communication des documents. Le Conseil d’Etat annule le jugement du tribunal et enjoint à la SEM de communiquer les documents sollicités, sous astreinte.
CE, 25 mai 2022, Société Spie Batignolles IDF, req. n° 450003