Le recours en contestation de la validité du contrat peut être exercé par les parties pendant toute la durée d’exécution de celui-ci

Pour rappel, en 2009, dans sa décision communément appelée « Commune de Béziers I », l’Assemblée du Conseil d’Etat avait redéfini l’office du juge du contrat saisi par l’une des parties d’un recours en contestation de la validité de ce dernier (CE, Ass., 28 décembre 2009, Commune de Béziers, req. n° 304802).

Le 1er juillet 2019, à la faveur d’un arrêt qui sera publié au recueil Lebon, la Section du Conseil d’Etat a approfondi la jurisprudence « Commune de Béziers I », en précisant que le recours en contestation de la validité du contrat peut être exercé par les parties pendant toute la durée d’exécution du contrat.

En l’espèce, le 31 décembre 1998, l’Association pour le musée des Iles de Saint-Pierre-et-Miquelon avait conclu avec le conseil général de la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon une convention prévoyant d’une part le transfert à cette dernière de la propriété de l’ensemble des œuvres d’art et objets constituant sa collection, en vue de son affectation au musée de l’Arche, et, d’autre part, les modalités de participation de l’Association à la mission de service public dudit musée.

Postérieurement, l’Association a sollicité du juge administratif l’annulation de cette convention. Cependant, ni le Tribunal administratif de Saint-Pierre-et-Miquelon, ni la Cour administrative d’appel de Bordeaux n’ont fait droit à sa demande.

L’Association ayant formé un pourvoi en cassation, le Conseil d’Etat a d’abord renvoyé l’affaire au Tribunal des conflits, lequel a désigné le juge administratif compétent, au motif que la convention conclue entre l’Association et la collectivité territoriale avait le caractère d’un contrat public.

Procédant donc à l’examen du litige, la Haute juridiction commence par rappeler le considérant de sa jurisprudence « Commune de Béziers I », tout en précisant que l’action en contestation de la validité du contrat peut être exercée par les parties pendant toute la durée d’exécution de celui-ci :

« Les parties à un contrat administratif peuvent saisir le juge d’un recours de plein contentieux contestant la validité du contrat qui les lie. Il appartient alors au juge, lorsqu’il constate l’existence d’irrégularités, d’en apprécier l’importance et les conséquences, après avoir vérifié que les irrégularités dont se prévalent les parties sont de celles qu’elles peuvent, eu égard à l’exigence de loyauté des relations contractuelles, invoquer devant lui. Il lui revient, après avoir pris en considération la nature de l’illégalité commise et en tenant compte de l’objectif de stabilité des relations contractuelles, soit de décider que la poursuite de l’exécution du contrat est possible, éventuellement sous réserve de mesures de régularisation prises par la personne publique ou convenues entre les parties, soit de prononcer, le cas échéant avec un effet différé, après avoir vérifié que sa décision ne portera pas une atteinte excessive à l’intérêt général, la résiliation du contrat ou, en raison seulement d’une irrégularité invoquée par une partie ou relevée d’office par lui, tenant au caractère illicite du contenu du contrat ou à un vice d’une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, son annulation. Cette action est ouverte aux parties au contrat pendant toute la durée d’exécution de celui-ci ».

Or, relevant que faisant application de la prescription quinquennale prévue par l’article 2224 du code civil, la Cour administrative d’appel avait rejeté la demande de l’Association en ce qu’elle aurait été prescrite, la Haute juridiction considère que les juges d’appel ont commis une erreur de droit.

Réglant donc l’affaire au fond en vertu des dispositions prévues par l’article L.821-2 du code de justice administrative, le Conseil d’Etat juge qu’aucune règle de prescription n’est opposable dans la mesure où l’action a été introduite par l’Association lors de la période d’exécution de la convention :

« Il résulte de ce qui a été dit aux points 3 et 4 qu’aucune règle de prescription n’est opposable à l’action en contestation de validité de la convention du 31 décembre 1998 de l’association requérante qui a été exercée pendant la durée d’exécution de ce contrat. Il s’ensuit que l’association est fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Saint-Pierre-et-Miquelon a rejeté sa demande au motif qu’elle était prescrite par application de la prescription quinquennale prévue par l’article 2224 du code civil ».

 

CE, Section, 1er juillet 2019, Association pour le musée des Iles Saint-Pierre-et-Miquelon, req. n° 412243