CE, avis, 11 avril 2024, n° 489440, mentionné dans les tables du recueil Lebon
A la faveur d’un avis rendu le 11 avril 2024, mentionné dans les tables du recueil Lebon, le Conseil d’Etat a été amené à se prononcer, à la demande de la Cour administrative d’appel de Bordeaux, sur la qualification de pouvoir adjudicateur aux personnes morales de droit privé gestionnaires des établissements et services sociaux et médico-sociaux.
Pour ce faire, le Conseil d’Etat rappelle, au regard de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, que la gestion d’une personne morale de droit privé est regardée comme soumise à un contrôle par un pouvoir adjudicateur lorsqu’une autorité publique exerce un contrôle actif de sa gestion qui, dans les faits, remet en cause son autonomie, au point de permettre à cette autorité d’influencer ses décisions en matière d’attribution de marchés (CJUE, 3 février 2021, Federazione Italiana Giuoco Calcio, n° C 155/19 et C-156/19).
Ce contrôle doit être de nature à créer une situation de dépendance à l’égard de l’autorité publique, équivalente à celle qui existe lorsque l’activité de la personne morale de droit privé est financée majoritairement par un pouvoir adjudicateur ou lorsque son organe d’administration, de direction ou de surveillance est composé de membres dont plus de la moitié sont désignés par un pouvoir adjudicateur. La capacité de l’autorité publique à imposer un profil de gestion déterminé est un indice de l’existence d’un tel contrôle (CJCE, 1er février 2001, Commission c. France, n° C-237/99).
En revanche, en principe, un contrôle, a posteriori, de la régularité de l’activité de la personne morale de droit privé par l’autorité publique de tutelle ne s’apparente pas à un contrôle de sa gestion.
En l’occurrence, après avoir rappelé diverses dispositions législatives et réglementaires du code de l’action sociale et des familles, le Conseil d’Etat considère que les personnes morales de droit privé gestionnaires des établissements et services sociaux et médico-sociaux ne sont soumises qu’à un contrôle de régularité qui, même lorsqu’ils s’exercent a priori (tels qu’en matière de garantie d’emprunt et de programmes d’investissements) sont destinés à garantir le respect de la réglementation tarifaire et n’ont, pas davantage que les autres contrôles, pour objet ou pour effet de remettre en cause l’autonomie de gestion de ces personnes privées.
Partant, n’étant pas soumis à un contrôle actif de leur gestion permettant aux autorités publiques d’influencer leurs décisions en matière d’attribution de marchés, les établissements et services sociaux et médico-sociaux ne sont pas en situation de dépendance à l’égard de l’autorité publique, de sorte qu’ils ne peuvent être regardés comme un pouvoir adjudicateur.
CE, avis, 11 avril 2024, n° 489440, mentionné dans les tables du recueil Lebon