En l’espèce, le syndicat intercommunal à vocation multiple (SIVOM) de la communauté du Béthunois avait attribué les lots n°1 « Voirie Réseaux Divers » et n°2 « Gros œuvre » d’un marché de travaux relatif à l’extension d’un EHPAD et à la réhabilitation d’une résidence, à la société Voirie Assainissement Travaux Publics (VATP). Celle-ci a par la suite souhaité obtenir la rémunération de travaux supplémentaires et la prise en charge des incidences financières des aléas et sujétions qu’elle estime avoir subis lors de l’exécution du marché.
Après avoir porté le litige devant le CCIRA de Nancy, la société VATP a saisi le tribunal administratif de Lille d’une requête tendant au versement d’une somme de : 46 755€ au titre de situations impayées sur le solde du marché ; 35 103€ au titre d’intérêts moratoires pour paiement tardif de certaines situations de travaux ; 433 367€ au titre de travaux supplémentaires ; et 1 566 973€ pour rémunération complémentaire.
Par ordonnance du 21 janvier 2019, le tribunal administratif a rejeté pour irrecevabilité manifeste les demandes de la requérante et par arrêt du 4 février 2021, la cour administrative d’appel de Douai a annulé cette ordonnance, condamné le SIVOM à verser une somme de 214 614,55€ assortie des intérêts moratoires et rejeté le surplus de conclusions de la société VATP qui a donc formé un pourvoi en cassation contre cet arrêt.
Tout d’abord, le Conseil d’Etat considère que la cour n’a pas insuffisamment motivé son arrêt en rejetant les conclusions fondées sur la théorie des sujétions imprévues, en indiquant qu’il « ne résulte pas de l’instruction que les surcoûts allégués auraient conduit à un bouleversement de l’économie des contrats ». De même, à défaut d’argumentation précise de la requérante au soutien de sa contestation relative à l’intégration de l’actualisation négative des prix, celle-ci n’est pas fondée à soutenir que la cour aurait méconnu les règles régissant la charge de la preuve. Mais au contraire, ces règles ont été méconnues par la cour concernant la somme réclamée au titre d’intérêts moratoires pour paiement tardif de situations de travaux : les allégations précises et circonstanciées de la société VATP devant être regardées comme établies en l’absence de toute explication ou justification fournie par le SIVOM.
S’agissant ensuite des travaux supplémentaires, le Conseil d’Etat rappelle que « le caractère global et forfaitaire du prix du marché ne fait pas obstacle à ce que l’entreprise cocontractante sollicite une indemnisation au titre de travaux supplémentaires effectués, même sans ordre de service, dès lors que ces travaux étaient indispensables à la réalisation de l’ouvrage dans les règles de l’art [et] dans ce cadre, l’entreprise peut également solliciter l’indemnisation des travaux supplémentaires utiles à la personne publique contractante lorsqu’ils sont réalisés à sa demande » avant de censurer l’arrêt entaché d’insuffisance de motivation et d’erreurs de droit concernant plusieurs postes d’indemnisation.
Le juge de cassation annule l’arrêt attaqué en tant notamment qu’il a rejeté la demande relative aux travaux supplémentaires correspondant à des travaux d’adaptation entre le bâtiment « Cantou » et un muret en pierre au motif que « ces travaux n’étaient pas indispensables ». La haute juridiction relève qu’en statuant ainsi alors qu’il ressort des pièces du dossier soumis au juges du fond que ces travaux ont été réalisés à la demande du maître de l’ouvrage, la cour administrative d’appel a commis une erreur de droit – l’affaire étant renvoyée devant la cour administrative d’appel de Douai.
CE, 10 juin 2022, Société Voirie Assainissement Travaux Publics, req. n°451334