L’impropriété à destination peut résulter d’un défaut d’isolation de l’ouvrage

L’impropriété à destination peut résulter d’un défaut d’isolation de l’ouvrage

L’acquéreur d’une maison d’habitation est fondé à engager la responsabilité décennale du vendeur qui n’a pas réalisé des travaux d’isolation conformément aux règles de l’art

En 2013, des particuliers ont conclu un acte authentique portant sur la vente d’une maison en bois que le vendeur avait en partie édifiée lui-même, et achevé au début de l’année 2006.

Constatant la présence de divers désordres, l’acquéreur a, après expertise, assigné le vendeur, la société qui a établi l’état parasitaire annexé à l’acte de vente et son assureur, ainsi que l’auteur du diagnostic de performance énergétique et son assureur, en indemnisation de ses préjudices.

Saisie de ce contentieux, la Cour d’appel de Rennes a, par un arrêt du 30 avril 2020, condamné in solidum le vendeur, l’auteur du diagnostic de performance énergétique, ainsi que l’assureur de ce dernier à indemniser l’acquéreur au titre de la reprise de l’isolation.

Condamné par la Cour d’appel, le vendeur se pourvoit en cassation, en alléguant que sa responsabilité décennale ne saurait être engagée au motif de l’existence de désordres d’isolation de la maison.

Visiblement lésé par cette décision, le vendeur s’est pourvu en cassation, considérant, par un premier moyen, que les juges d’appel avaient méconnu l’article 1792 du code civil, motifs pris :

  • D’une part, que la simple surconsommation de chauffage ne caractériserait pas l’impropriété de l’ouvrage à sa destination ;
  • D’autre part, que le défaut de conformité aux normes thermiques ne saurait constituer un désordre de nature décennale que si ces normes étaient obligatoires au moment du permis de construire ou à la date de la construction et non pas à la date de l’expertise judiciaire.

La Cour de cassation confirme que des désordres d’isolation sont susceptibles de rendre l’ouvrage impropre à sa destination, si bien que le vendeur engage sa responsabilité décennale en telle situation.

En effet, peu convaincue par le premier moyen présenté par le vendeur, la Cour de cassation se range derrière l’appréciation retenue par la Cour d’appel. Cette dernière avait non seulement relevé que la maison ne comportait aucune isolation au niveau des tableaux de fenêtre et sur les soubassements du mur de façade sur une hauteur de 1,10 mètre de haut où la pierre naturelle était collée au parpaing, mais, de surcroît, que sur la partie haute, l’isolant en polystyrène mis en place entre un habillage en brique rouge fixé au parpaing et la pierre naturelle était d’une épaisseur de cinq centimètres alors que le diagnostic de performance énergétique mentionnait dix centimètres d’épaisseur de l’isolant sur l’ensemble de la maison.

Par ailleurs, les juges d’appel avaient également constaté que les descentes d’eaux pluviales entre les deux parois (parpaing/pierres) prenaient la place de l’isolant, que la salle de bains n’était pas isolée au niveau du rampant et que les combles étaient isolés avec de la laine de verre de vingt centimètres, par endroits posés en vrac, avec un film plastique non respirant entre la laine de verre et le lambris.

Ainsi, du fait de l’absence d’isolation à certains endroits, de l’isolation insuffisante à d’autres et de la pose en vrac ou mal ventilée de la laine de verre, la Cour d’appel avait justement pu déduire que ces désordres rendaient la maison impropre à sa destination du fait de l’impossibilité de la chauffer sans exposer d’importants surcoûts.

Partant, l’engagement de la responsabilité décennale du vendeur est parfaitement fondé. Qui plus est, la reconnaissance du caractère décennal du désordre d’isolation rendait inopérante la recherche sur les normes applicables à la date du permis de construire.

Enfin, par un second moyen formé sur le fondement de l’ancien article 1147 du code civil devenu l’article 1231-1 du même code, le vendeur s’oppose à sa condamnation à garantir intégralement l’auteur du diagnostic de performance énergétique, ainsi que l’assureur de ce dernier, alors que le diagnostic était erroné et l’aurait privé des informations nécessaires pour remédier immédiatement aux vices affectant le bien avant la vente.

Pour autant, ce second moyen ne prospère pas davantage que le premier, la cour d’appel ayant retenu que la faute reprochée au diagnostiqueur, consistant à avoir fourni à l’acquéreur une information erronée sur l’état de l’immeuble lors de la vente, était sans lien de causalité avec l’obligation pour le vendeur de supporter la charge des travaux de reprise.

En définitive, la troisième chambre civile rejette le pourvoi formé par le vendeur.

Cass., 3e civ., 30 septembre 2021, n° 20-17311

 

 

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