L’indemnisation versée par l’administration à son cocontractant au titre de l’imprévision doit être formalisée dans une convention indemnitaire ad hoc

Rép. Min. à Q. E. n° 04406, publiée au JO Sénat du 7 septembre 2023, p. 5280

Madame Laure Darcos, sénatrice, a interrogé le ministre de l’Economie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique sur les modalités pratiques d’indemnisation des entreprises en application de la théorie de l’imprévision et, plus précisément, si l’indemnisation des cocontractants de l’administration au titre de l’imprévision doit faire l’objet d’un avenant au marché ou d’une convention ad hoc.

Le ministre de l’Economie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique privilégie la seconde option.

En effet, le ministre de l’Economie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique commence par rappeler que si les modifications d’un contrat public sont généralement formalisées dans un avenant audit contrat, elles peuvent également prendre la forme d’une modification unilatérale de l’acheteur lorsque le contrat de la commande publique en cause peut être qualifié de contrat administratif en application des dispositions combinées des articles L. 6 et L. 2194-2 du code de la commande publique.

Néanmoins, l’indemnisation sur le fondement de la théorie de l’imprévision relève d’un régime différent qui vise à dédommager partiellement le titulaire du préjudice qui résulte de l’exécution du contrat malgré le bouleversement temporaire de son équilibre économique.

Ainsi que l’a précisé le Conseil d’État dans son avis du 15 septembre 2022 relatif aux possibilités de modification du prix ou des tarifs des contrats de la commande publique et aux conditions d’application de la théorie de l’imprévision, il s’agit d’un droit pour le titulaire, prévu au 3° de l’article L. 6 du code de la commande publique, alors que la modification du contrat n’est qu’une faculté pour les parties.

Par ailleurs, le même avis indique-t-il que la « convention d’indemnisation [accordée sur le fondement de la théorie de l’imprévision] de même d’ailleurs qu’une décision unilatérale de l’autorité administrative fournissant une aide financière pour pourvoir aux dépenses extracontractuelles afférentes à la période d’imprévision (CE, Ass. 9 décembre 1932, Compagnie des tramways de Cherbourg, n° 89655), ne peut être regardée comme une modification d’un marché ou d’un contrat de concession au sens des dispositions (…) des articles R. 2194-5 et R. 3135-5 du code de la commande publique » et, par suite, « n’est pas soumise aux conditions et limites posées par ces dispositions, mais uniquement à celles prévues par les dispositions du 3° de l’article L. 6 du même code qui codifie la jurisprudence administrative sur l’imprévision ».

Enfin, le Conseil d’État a estimé que « l’indemnité d’imprévision visant, ainsi qu’il a été dit, à compenser les charges extracontractuelles subies par le titulaire, elle ne peut être regardée comme une conséquence financière de l’exécution du marché. Dès lors, qu’elle soit allouée par décision unilatérale de l’autorité administrative, négociée dans le cadre d’une convention d’indemnisation ou octroyée par le juge administratif, elle n’a pas à être inscrite dans le décompte général et définitif, à la différence des indemnités allouées à l’entrepreneur au titre des sujétions imprévues (CE, 31 juillet 2009, Société Campenon Bernard et autres, n° 300729) ».

Partant, dès lors que ce droit à indemnité relève d’un régime juridique distinct des règles de modification des contrats en cours et des règles d’établissement du décompte général du contrat, la circulaire n° 6374/SG de la Première ministre du 29 septembre 2022 relative à l’exécution des contrats de la commande publique dans le contexte actuel de hausse des prix de certaines matières premières précise que les parties peuvent aussi choisir, plutôt que de modifier le contrat, de conclure une convention d’indemnisation sur le fondement de la théorie de l’imprévision codifiée au 3° de l’article L. 6 du code de la commande publique.

Au final, il en résulte que l’octroi d’une indemnité d’imprévision doit être formalisé non pas dans un avenant au contrat, mais dans une convention indemnitaire ad hoc qui peut être qualifiée de transaction si elle en remplit les conditions de sa caractérisation au sens et pour l’application des articles 2044 du Code civil et L. 423-1 du code des relations entre le public et l’administration.

A toutes fins utiles, il est souligné que l’octroi de cette indemnité peut être cumulé avec une modification du marché, même lorsque celle-ci est faite sur le fondement de l’article R. 2194-5.

Rép. Min. à Q. E. n° 04406, publiée au JO Sénat du 7 septembre 2023, p. 5280