CJUE, 9 janvier 2025, Česká republika – Generální finanční ředitelství c/ Úřad pro ochranu hospodářské soutěže, C‑578/23
La Cour de Justice de l’Union Européenne (CJJUE) a été saisie d’une demande de décision préjudicielle portant sur l’interprétation d’une disposition de la directive 2004/18/CE (article 31), abrogée par la directive 2014/24/UE (article 32) dite « Directive Marchés », laquelle prévoit en des termes similaires que les États membres peuvent prévoir que les pouvoirs adjudicateurs peuvent attribuer des marchés publics en recourant à une procédure négociée sans publication préalable, notamment lorsque les travaux, fournitures ou services ne peuvent être fournis que par un opérateur économique particulier, pour des raisons techniques et la protection des droits d’exclusivité.
Dans cette affaire, il était question de la passation d’un marché sans publicité ni mise en concurrence portant sur la maintenance d’un système informatique, motivée par des raisons tenant à la continuité technique entre le système d’information en place et sa maintenance post-garantie ainsi que par des raisons tenant à la protection des droits d’auteur exclusifs du fournisseur du système informatique présent.
La CJUE juge qu’un « pouvoir adjudicateur est tenu de faire tout ce qui est susceptible d’être raisonnablement attendu de lui pour éviter l’application de l’article 31 [relatif à conclusion d’un marché sans publication préalable], et ce afin de recourir à une procédure plus ouverte à la concurrence. Or, il serait incompatible avec cette exigence de permettre à un tel pouvoir adjudicateur d’appliquer cette disposition alors que la création ou le maintien de la situation d’exclusivité qu’il invoque à cet effet lui est imputable, du fait, notamment, que, afin d’atteindre le résultat visé par le marché concerné, ce pouvoir adjudicateur n’avait pas besoin de générer une telle situation d’exclusivité ou qu’il disposait de moyens réels et raisonnables du point de vue économique pour mettre fin à une telle situation ».
La CJUE précise qu’un pouvoir adjudicateur doit établir que « l’existence des raisons techniques, artistiques ou tenant à la protection de droits d’exclusivité liées à l’objet du marché ne lui est pas imputable » et qu’en conséquence, en ce qui concerne « l’appréciation, par une juridiction nationale compétente, de l’existence d’une telle imputabilité dans le chef d’un pouvoir adjudicateur, il incombe à celle-ci de déterminer si le comportement de ce pouvoir adjudicateur, notamment lors de la conclusion d’un contrat antérieur ayant donné lieu au marché public concerné, est à l’origine de l’apparition d’une situation d’exclusivité, laquelle est susceptible de justifier, en théorie, l’application de l’article 31 (…) pour l’attribution du marché public concerné. Cette juridiction nationale doit également examiner si la perpétuation d’une telle situation d’exclusivité jusqu’à la décision dudit pouvoir adjudicateur de suivre la procédure négociée sans publication préalable d’un avis de marché est due à l’action ou à l’inaction de ce même pouvoir adjudicateur. »
Autrement dit, la conclusion d’un marché de gré à gré ne peut utilement être justifiée par un pouvoir adjudicateur lorsque celui-ci s’est lui-même placé dans cette situation dépendance vis-à-vis d’un opérateur.