Précisions concernant l’appréciation par le juge de la légalité du refus d’édicter un acte réglementaire

Précisions concernant l’appréciation par le juge de la légalité du refus d’édicter un acte réglementaire

Dans le cadre de l’affaire commentée, le Conseil d’Etat vient préciser les conditions dans lesquelles le juge apprécie la légalité du refus d’une autorité administrative d’édicter un texte règlementaire.

A l’origine du litige, le recours d’une association 

Une association avait attaqué, par un recours en excès de pouvoir, le refus du Premier ministre d’adopter les mesures nécessaires à l’application de l’article L. 214-11 du Code rural et de la pêche maritime interdisant la mise en place de nouveaux élevages de poules pondeuses.

La légalité du refus d’une autorité administrative d’édicter une mesure règlementaire doit s’apprécier au regard des règles applicables et des circonstances prévalant à la date de sa décision

Dans le cadre de l’affaire commentée, pour apprécier la légalité du refus du Premier Ministre d’édicter un acte réglementaire, le Conseil d’Etat rappelle d’abord le cadre juridique dans lequel le pouvoir réglementaire de cette autorité doit s’exercer. Ainsi, en vertu de l’article 21 de la Constitution, le Premier Ministre « assure l’exécution des lois et exerce le pouvoir réglementaire sous réserve de la compétence d’attribution du président de la République », c’est-à-dire qu’il doit adopter les mesures nécessaires à l’application de la loi dans un délai raisonnable :

 « L’exercice du pouvoir réglementaire comporte non seulement le droit mais aussi l’obligation de prendre dans un délai raisonnable les mesures qu’implique nécessairement l’application de la loi, hors le cas où le respect d’engagements internationaux de la France y ferait obstacle. »

La Haute juridiction vient ensuite préciser que le juge administratif doit apprécier, lorsqu’il est saisi d’un recours en excès de pouvoir de refus d’adopter des mesures règlementaires d’application d’une loi au regard des règles applicables et des circonstances prévalant à la date de sa décision :

« L’effet utile de l’annulation pour excès de pouvoir du refus du pouvoir réglementaire de prendre les mesures qu’implique nécessairement l’application de la loi réside dans l’obligation, que le juge peut prescrire d’office en vertu des dispositions de l’article L. 911-1 du code de justice administrative, pour le pouvoir réglementaire, de prendre ces mesures. Il s’ensuit que lorsqu’il est saisi de conclusions aux fins d’annulation du refus d’une autorité administrative d’édicter les mesures nécessaires à l’application d’une disposition législative, le juge de l’excès de pouvoir est conduit à apprécier la légalité d’un tel refus au regard des règles applicables et des circonstances prévalant à la date de sa décision. »

L’appréciation par le Conseil d’Etat des conditions dans lesquelles le Premier Ministre était tenu de prendre, en l’espèce, des mesures règlementaires

En l’espèce, le Conseil d’Etat a considéré qu’« eu égard à l’incertitude affectant en l’espèce la portée de la notion de « bâtiment réaménagé » d’élevage de poules pondeuses, (…) ces dispositions ne sont pas suffisamment précises pour permettre leur entrée en vigueur en l’absence du décret d’application dont elles prévoient d’ailleurs l’intervention ».

Il relève également le retard de deux ans et demi depuis l’entrée en vigueur de la loi du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous afin d’en conclure que le retard dans l’adoption des dispositions réglementaires nécessaires à l’application de l’article L. 214-11 du code rural et de la pêche maritime, issu de cette loi, excède le délai raisonnable qui était imparti au pouvoir réglementaire pour prendre le décret prévu à cet article.

CE, 27 mai 2021, Association Compassion In World Farming France, req. n° 441660

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