Précisions concernant les conditions de versement d’une indemnité d’imprévision

Par une décision en date du 21 octobre 2019, le Conseil d’Etat est venu préciser qu’une société n’est pas fondée à solliciter le versement d’une indemnité d’imprévision lorsque les circonstances imprévisibles ne sont pas à l’origine du déficit d’exploitation.

En l’occurrence, la société Alliance était titulaire d’une convention de délégation de service public portant sur l’exploitation et la gestion du service de desserte maritime en fret de l’archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon.

Par un arrêté en date du 16 septembre 2008, le Préfet avait, en application de la convention de délégation de service public, prononcé la déchéance de cette concession.

Saisi par la société Alliance, le Tribunal administratif de Saint-Pierre-et-Miquelon avait annulé l’arrêté de déchéance et ordonné une expertise en vue de déterminer les causes des difficultés financières rencontrées par la société délégataire.

Par un second jugement, ce même Tribunal avait, d’une part, prononcé la résiliation de la convention de délégation de service public à compter du 1er juillet 2008 au motif du bouleversement de l’économie du contrat et, d’autre part, rejeté les conclusions indemnitaires de la société et qui tendait à l’indemnisation des préjudices résultant des conditions dans lesquelles la convention a été exécutée et pris fin.

Par un arrêt en date du 19 décembre 2017, la Cour administrative d’appel de Bordeaux avait estimé que la société n’était pas fondée à solliciter le versement d’une indemnité d’imprévision. Plus précisément, la Cour administrative avait retenu que « la fragilité financière présentée par la société Alliance dès avant même la signature de la convention a contribué à l’impossibilité dans laquelle cette dernière s’est trouvée d’équilibrer ses comptes ».

Dès lors, la Cour a considéré que la circonstance selon laquelle la société Alliance a été confrontée à une diminution du fret de 16 % par rapport aux prévisions de trafic réalisées lors de l’élaboration de la convention de délégation de service public n’était pas « principalement à l’origine des déficits d’exploitation dont fait état la société requérante, lesquels, comme il vient d’être dit, doivent être regardés comme largement la conséquence de l’état de fragilité financière initiale de la société et des conditions dans lesquelles ont été définis les termes de la délégation ».

La société Alliance a logiquement formé un pourvoi en cassation aux fins de faire annuler l’arrêt précité.

A cette occasion, le Conseil d’Etat rappelle tout d’abord le principe tiré de la jurisprudence Compagnie générale d’éclairage de Bordeaux (CE, 30 mars 1916, req. n°59928) en vertu duquel « une indemnité d’imprévision suppose un déficit d’exploitation qui soit la conséquence directe d’un évènement imprévisible, indépendant de l’action du cocontractant de l’administration, et ayant entraîné un bouleversement de l’économie du contrat ».

Aussi, dans ce cas très précis, le Conseil d’Etat rappelle que le concessionnaire est alors en droit de réclamer une indemnité représentant la part de la charge extracontractuelle que l’interprétation raisonnable du contrat permet de lui faire supporter. Etant précisé que cette indemnité doit être calculée en tenant compte « des autres facteurs qui ont contribué au bouleversement de l’économie du contrat, l’indemnité d’imprévision ne pouvant venir qu’en compensation de la part de déficit liée aux circonstances imprévisibles ».

En l’occurrence, le Conseil d’Etat valide le raisonnement de la Cour administrative d’appel de Bordeaux en retenant que la société Alliance n’était pas fondée solliciter le versement d’une indemnité d’imprécision dès lors que « la part du déficit d’exploitation qui était directement imputable à des circonstances imprévisibles et extérieures ne suffisait pas à caractériser un bouleversement de l’économie du contrat ».

Conseil d’Etat, 21 octobre 2019, Société Alliance, req. n°419155

 

 

 

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