Projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets : le Conseil d’Etat est favorable aux mesures envisagées par le Gouvernement pour modifier le code de la commande publique

Pour mémoire, en juin 2020, la convention citoyenne pour le climat avait remis son rapport au Gouvernement, lequel s’était engagé à donner une traduction constitutionnelle, législative ou réglementaire à un certain nombre des mesures préconisées.

C’est ainsi que le Gouvernement a élaboré le projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dans le cadre duquel il a sollicité et rendu public l’avis rendu par le Conseil d’Etat le 4 février 2021.

Nous focaliserons notre attention sur les mesures prévues par ce projet de loi visant à ce que l’environnement soit mieux pris en considération dans les conditions de passation et d’exécution des marchés publics.

Au titre des mesures envisagées, le projet de loi propose en premier lieu de modifier la rédaction du second alinéa de l’article L. 2112-2 du code de la commande publique (dont les dispositions précisent actuellement ce qui suit : « Les conditions d’exécution peuvent prendre en compte des considérations relatives à l’économie, à l’innovation, à l’environnement, au domaine social, à l’emploi ou à la lutte contre les discriminations ») pour imposer la prise en compte des considérations environnementales dans les conditions d’exécution des marchés précisées par leurs clauses, ce qui n’est actuellement qu’une faculté.

La Haute assemblée valide cette première proposition de modification, considérant que « cette obligation, alors que la prise en compte des considérations relatives à l’économie, à l’innovation, au domaine social, à l’emploi ou à la lutte contre les discriminations demeure facultative, ne crée pas de hiérarchie entre ces différentes considérations ni n’instaure une prééminence de celles tirées de la protection de l’environnement sur les autres ». Ainsi, quand bien même cette modification requiert que l’environnement soit pris en compte lors de la rédaction des clauses du marché, elle n’a pas pour effet d’empêcher que d’autres considérations, notamment sociales ou économiques, le soient au même titre.

En second lieu, le projet de loi prévoit de modifier le premier alinéa de l’article L. 2152-7 du code de la commande publique (dont les dispositions précisent actuellement ce qui suit : « Le marché est attribué au soumissionnaire ou, le cas échéant, aux soumissionnaires qui ont présenté l’offre économiquement la plus avantageuse sur la base d’un ou plusieurs critères objectifs, précis et liés à l’objet du marché ou à ses conditions d’exécution. Les modalités d’application du présent alinéa sont prévues par voie réglementaire ») en vue d’imposer qu’au moins l’un des critères d’attribution du marché public prenne en compte les caractéristiques environnementales de l’offres. L’on déduit d’ailleurs de cette proposition que l’acheteur ne pourra plus recourir au seul critère de prix pour attribuer le marché.

Une nouvelle fois, le Conseil d’Etat consent à cette modification, soulignant que les « nouvelles dispositions ne sauraient avoir pour effet de déroger à l’exigence du choix de l’offre économiquement la plus avantageuse ni à la condition que les critères d’attribution soient objectifs, précis et liés à l’objet du marché ou à ses conditions d’exécution, le respect de ces règles étant imposé par les directives européennes (article 67 de la directive 2014/24/UE du 26 février 2014 et article 82 de la directive 2014/25/UE du 26 février 2014) et la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE 17 septembre 2002, Concordia Bus Finland, aff. C-513/99, point 69) ».

Le Conseil d’Etat n’oppose aucune « objection d’ordre juridique » à ce que les modifications envisagées des articles L. 2112-2 et L. 2152-7 du code de la commande publique ne s’appliquent ni aux marchés de défense ou de sécurité, ni aux contrats de concession.

Néanmoins, s’agissant de ces derniers contrats, la Haute assemblée s’interroge sur cette dispense, qui « soulève plus d’interrogations en termes d’opportunité et de cohérence », dans la mesure d’une part où les contrats de concession sont généralement de longue durée, et d’autre part qu’ils portent fréquemment sur des secteurs (transport, assainissement) où la prise en compte des considérations environnementales est particulièrement pertinente.

De la même façon, le Conseil d’Etat déplore que « l’exclusion des concessions a[it] pour effet de ne pas appliquer les nouvelles obligations à des contrats dont un risque d’exploitation est certes transféré à l’opérateur économique, mais dont l’objet peut être similaire à celui de marchés publics qui, eux, y seront soumis ».

Les raisons invoquées par le Gouvernement, tenant à ce que « le plus souvent, des réglementations particulières imposent le respect de l’environnement dans les secteurs précités et que la réforme pourra être étendue aux concessions après qu’en auront été mesurés les effets sur les marchés publics », sont entendues par le Conseil d’Etat, lequel invite tout de même le Gouvernement à reprendre l’étude d’impact du projet de loi pour que ces éléments soient intégrés.

Enfin, la Haute juridiction relève que la date d’entrée en vigueur des nouvelles dispositions dans le code de la commande publique – fixée par décret et au plus tard à l’issue d’un délai de cinq ans – est « particulièrement longue » mais l’admet, cette durée étant justifiée par le Gouvernement pour être mise en cohérence avec la durée du prochain plan national d’action pour les achats publics durables.

Il sera précisé, pour la parfaite exhaustivité du propos, que le projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets a été présenté en Conseil des ministres par la ministre de la Transition écologique le 10 février dernier et fera l’objet d’une première lecture à l’Assemblée nationale au mois de mars 2021.

CE, Avis, 4 février 2021, Projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, n° 401933