Rappel de l’obligation de vigilance incombant au maître d’œuvre lors de la réception des travaux

En l’occurrence, le centre de gestion de la fonction publique territoriale de Meurthe-et-Moselle (ci-après, le « CGFPT ») a entrepris des travaux de rénovation de son siège social et de construction d’une extension.

A cet égard, le CGFPT a lancé la passation d’un marché de maîtrise d’œuvre, celui-ci a été conclu, le 1er décembre 2011, avec un groupement d’entreprises, composé des sociétés A., mandataire, et de la société E.

Dans le cadre du marché de travaux, le lot n°2 portant sur les travaux de gros œuvres a été confié à la société G., le lot n°5 relatif à des travaux de menuiserie extérieur a, quant à lui, été confié à la société L. et le lot n°13 intitulé « ascenseur » a lui été attribué à la société T.

Toutefois, en 2015, le CGFPT a constaté une consommation anormale d’eau concomitamment à l’exécution du chantier ainsi qu’un dysfonctionnement d’un ascenseur. Aussi, face à ces constats, la CGFPT a introduit une requête tendant à la désignation d’un expert devant le Tribunal administratif de Nancy.

L’Expert désigné a remis un rapport, le 9 avril 2018, sur le fondement duquel le CGFTP a saisi le juge des référés du Tribunal administratif de Nancy d’une demande tendant à l’allocation d’une provision de 62.800 euros par la société A., maître d’œuvre de l’opération, en vue d’obtenir la réparation des préjudices subis par celle-ci du fait des désordres constatés.

Le juge des référés a, par une ordonnance du 22 avril 2020, condamné la société A., sur le fondement de la garantie décennale, à verser à la CGFPT une provision d’un montant de 57.800 euros TTC majorée des intérêts au taux légal à compter du 29 novembre 2019. La société A., maître d’œuvre de l’opération, a interjeté appel de l’ordonnance rendue.

S’agissant du désordre tiré de la surconsommation durant le chantier, la Cour administrative d’appel de Nancy rappelle tout d’abord le principe fermement établi selon lequel « lorsqu’il [le maître d’œuvre] a connaissance de désordres survenus en cours de chantier qui, sans affecter l’état de l’ouvrage achevé, ont causé des dommages au maître de l’ouvrage, il appartient au maître d’oeuvre chargé d’établir le décompte général du marché, soit d’inclure dans ce décompte, au passif de l’entreprise responsable de ces désordres, les sommes correspondant aux conséquences de ces derniers, soit, s’il n’est pas alors en mesure de chiffrer lesdites conséquences avec certitude, d’attirer l’attention du maître de l’ouvrage sur la nécessité pour lui, en vue de sauvegarder ses droits, d’assortir la signature du décompte général de réserves relatives à ces conséquences. A défaut, il commet une faute de nature à engager sa responsabilité à l’égard du maître de l’ouvrage » (CE, 6 avril 2007 Centre hospitalier général de Boulogne sur mer, req. n° 264490)

Puis, la Cour administrative d’appel de Nancy relève que le CGFPT avait été informé d’une consommation importante d’eau en comparaison des consommations antérieures par la communauté urbaine de Nancy.

Aussi, par courrier du 5 février 2015, le maître d’œuvre avait informé le CGFPT des investigations entreprises par celui-ci pour déceler l’origine de cette surconsommation, tout en indiquant la possible implication de la société G, titulaire du lot 2, à qui ce dernier allait demander des informations complémentaires.

On relèvera que, selon le rapport d’expertise, cette surconsommation résulte de travaux défaillants effectuées par la société G. qui, en application de l’article 3.1.6 du CCTP aurait dû prendre à sa charge les frais d’embranchement d’installation, de consommation et d’abonnement des réseaux nécessaires pour le chantier.

Le 25 novembre 2015, le maître d’œuvre a transmis au CGFPT, pour règlement, le projet de décompte général de la société G. qu’il avait établi, et au sein duquel ce dernier n’avait toutefois pas intégrer le coût de la surconsommation d’eau.

Sur ce point, la CAA de Nancy considère dès lors que c’est à bon droit que le Tribunal administratif de Nancy a jugé que la société A. a commis une faute de nature à engager sa responsabilité à l’égard du maître d’ouvrage en s’abstenant « d’intégrer au sein de ce décompte le coût de la surconsommation d’eau le privant ainsi, du fait du caractère intangible du décompte général devenu définitif, de la possibilité d’obtenir réparation auprès de l’entreprise G. ».

Cependant, la CAA de Nancy relève que le CGFPT a également commis une négligence de nature à atténuer la responsabilité de la maîtrise d’œuvre en relevant que celui-ci avait été, antérieurement à la signature du décompte général de la société G, informé de l’origine de la surconsommation d’eau et de sa probable imputabilité à cette société. La CAA concluant dès lors qu’une juste appréciation des responsabilités du CGFTP et du maître d’œuvre devra être faite en condamnant ce dernier à réparer « à concurrence de 50 %, le coût de la surconsommation d’eau imputable à la société G. ».

Aussi, le rapport d’expertise ayant fixé le montant de la surconsommation d’eau à hauteur de 36.800 euros TTC, la CAA de Nancy considère, dès lors, que l’existence d’une obligation de créance présente un caractère non sérieusement contestable à hauteur de 18 400 euros TTC.

Partant, le montant de la provision, qui avait été fixée à hauteur de de 57.800 euros TTC par l’ordonnance attaquée en l’occurrence, est ramené à 39.400 euros TTC.

 

CAA Nancy, 7 août 2020, Société A., req. n° 20NC01030