Recours pour excès de pouvoir contre les actes dits de « droit souple » : le Conseil d’État considère que les délibérations du Conseil supérieur de l’audiovisuel sur la diffusion d’un programme télévisé comme faisant grief et donc susceptibles d’annulation

Le Conseil d’Etat, dans sa décision Société BFM TV du 31 décembre 2019, continue de préciser sa doctrine relative aux actes dit de « droit souple » formulée dans son étude annuelle de 2013 et en vertu de laquelle ces  actes doivent pouvoir être contestés par les justiciables concernés dans la mesure où ils sont susceptibles de produire des effets de nature économique ou d’influencer les comportements des personnes auxquelles ils s’adressent

En 2019, il avait eu l’occasion de se prononcer à ce sujet, sur une prise de position publique (communiqués de presse) de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CE 16 octobre 2019, Associations “La Quadrature du net” et “Caliopen”, req. n°433069, publié au recueil) ainsi que sur les prises de position publiques accompagnant la déclaration de situation patrimoniale de Haute autorité pour la transparence dans la vie publique (CE Ass., 19 juillet 2019, Mme A, req. n°426389, publié au recueil) – démontrant ainsi l’importance croissante du contentieux lié à cette catégorie d’actes.

Dans l’affaire commentée, le Conseil Supérieur de l’audiovisuel (ci-après, « CSA ») avait adopté une délibération par laquelle il avait estimé que la diffusion par la chaîne BFM TV de l’intégralité de la finale de la Ligue des champions le 1er juin 2019 ne correspondrait à aucune des catégories de programme que ce service était autorisé à diffuser et qu’elle serait incompatible avec l’article 3-1-1 de la convention conclue le 19 juillet 2005 entre le CSA et la société BFM TV. La société BFM TV avait malgré tout retransmis cet évènement en direct. Faisant suite à cette retransmission, le CSA avait alors, par une nouvelle délibération, mis la société BFM TV en demeure de se confirmer à l’avenir aux stipulations de la convention les liant.

La Haute juridiction a considérée que la première délibération « ne présente pas le caractère d’une mise en demeure ou d’une disposition générale et impérative, elle traduit la position prise par le Conseil, avant la retransmission, sur l’incompatibilité de la programmation envisagée par la société BFM TV avec les stipulations de la convention du 19 juillet 2015. Cette prise de position, qui a donné lieu à la diffusion d’un communiqué du Conseil sur son site internet, doit être regardée, dans les circonstances de l’espèce, comme ayant eu pour objet d’influer de manière significative sur le comportement de la chaîne. Eu égard à sa portée et aux conditions dans lesquelles elle a été prise, la délibération du 3 avril 2019 revêt le caractère d’un acte susceptible de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir. »

Sur le fond, elle rejette les demandes d’annulations des délibérations sollicitées par BFM TV en relevant que celle-ci est une chaîne « consacrée à l’information »  qui ne peut donc que procéder qu’à des « rediffusions d’évènements d’anthologie du sport » selon sa convention conclue avec le CSA et n’était par conséquent pas autorisée à retransmettre en direct et en intégralité la finale de la Ligue des champions.

CE, 31 décembre 2019, Société BFM TV, req. n° 431164.