Saisi d’un contentieux portant sur l’exécution d’un contrat public, le juge du contrat ne saurait annuler ledit contrat

CE, 27 novembre 2023, Société SNCF Voyageurs, req. n° 462445, mentionné dans les tables du recueil Lebon

A la faveur d’une décision rendue le 27 novembre 2023 et mentionnée dans les tables du recueil Lebon, le Conseil d’Etat s’est prononcé sur l’office réservé au juge du contrat saisi d’un litige portant sur l’exécution d’un contrat public.

Après avoir rappelé sa jurisprudence de principe issue de sa décision « Commune de Béziers » (CE, Assemblée, 28 décembre 2009, req. n° 304802), le Conseil d’Etat précise que lorsque le juge du contrat est saisi d’un litige relatif à l’exécution d’un contrat public, il ne peut statuer sur le contenu du contrat pour prononcer son annulation, quand bien même le vice résultant de la licéité du contenu du contrat serait invoqué par voie d’exception :

« Les parties à un contrat administratif peuvent, d’une part, saisir le juge d’un recours de plein contentieux contestant la validité du contrat qui les lie. Il appartient alors au juge, lorsqu’il constate l’existence d’irrégularités, d’en apprécier l’importance et les conséquences, après avoir vérifié que les irrégularités dont se prévalent les parties sont de celles qu’elles peuvent, eu égard à l’exigence de loyauté des relations contractuelles, invoquer devant lui. Il lui revient, après avoir pris en considération la nature de l’illégalité commise et en tenant compte de l’objectif de stabilité des relations contractuelles, soit de décider que la poursuite de l’exécution du contrat est possible, éventuellement sous réserve de mesures de régularisation prises par la personne publique ou convenues entre les parties, soit de prononcer, le cas échéant avec un effet différé, après avoir vérifié que sa décision ne portera pas une atteinte excessive à l’intérêt général, la résiliation du contrat ou, en raison seulement d’une irrégularité invoquée par une partie ou relevée d’office par lui, tenant au caractère illicite du contenu du contrat ou à un vice d’une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, son annulation. D’autre part, lorsque les parties soumettent au juge un litige relatif à l’exécution du contrat qui les lie, il incombe en principe à celui-ci, eu égard à l’exigence de loyauté des relations contractuelles, de faire application du contrat. Toutefois, dans le cas seulement où il constate une irrégularité invoquée par une partie ou relevée d’office par lui, tenant au caractère illicite du contenu du contrat ou à un vice d’une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, il doit écarter le contrat et ne peut régler le litige sur le terrain contractuel ».

Néanmoins, la circonstance qu’une des parties au contrat ait invoqué par voie d’exception l’illicéité d’une clause du contrat dans le cadre d’un litige portant sur l’exécution dudit contrat peut seulement conduire le juge du contrat à écarter le contrat et à régler le litige sur un terrain extracontractuel.

En l’occurrence, le Conseil d’Etat considère que l’annulation infondée du contrat administratif est d’ordre public, de sorte qu’il incombait à la Cour administrative d’appel de Marseille de relever d’office l’irrégularité du jugement. En s’y abstenant, les juges d’appel ont commis une erreur de droit :

« Le tribunal administratif de Marseille, qui n’était saisi que d’un litige indemnitaire relatif à l’exécution du contrat d’exploitation des services ferroviaires régionaux pour la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2016, a annulé ce contrat, alors que la région PACA, si elle avait invoqué en défense, par la voie de l’exception, le caractère illicite du contenu du contrat, afin que le litige soit réglé sur un terrain extracontractuel, ne l’avait pas saisi d’un recours de plein contentieux contestant la validité de ce contrat. Il ressort des énonciations de l’arrêt attaqué que la cour administrative d’appel, après avoir estimé que le contrat litigieux avait un contenu illicite et qu’il devait, de ce fait, être écarté, a refusé de faire droit aux conclusions de la société requérante tendant à l’annulation du jugement du 15 octobre 2019 en tant qu’il a annulé le contrat d’exploitation en cause. En rejetant l’appel de SNCF Mobilités contre ce jugement en tant qu’il annulait le contrat litigieux, alors qu’il lui appartenait de relever d’office le moyen tiré de ce que, saisi d’un litige relatif à l’exécution d’un contrat sans que l’une des parties ait demandé son annulation par la voie de l’action, le tribunal administratif de Marseille ne pouvait, sans méconnaître son office, annuler ce contrat, la cour administrative d’appel de Marseille a entaché son arrêt d’une erreur de droit. Par suite, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, la société SNCF Voyageurs est fondée à demander, pour ce motif, l’annulation de l’article 2 de l’arrêt attaqué ».

CE, 27 novembre 2023, Société SNCF Voyageurs, req. n° 462445, mentionné dans les tables du recueil Lebon

 

 

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