Si par principe, le bénéficiaire d’un permis de construire déclaré illégal est fondé à engager la responsabilité de la commune qui l’a délivré, il ne saurait solliciter de cette dernière l’indemnisation de la valeur du terrain d’assiette du projet, ainsi que la perte de la valeur vénale du terrain

Le 24 mai 2011, M. C a conclu un compromis de vente portant sur un terrain à bâtir situé sur le territoire de la commune de Saint-Ambroix, sous la condition suspensive de l’obtention d’un permis de construire définitif.

Après avoir obtenu un permis de construire par une décision tacite du 19 novembre 2011 d’abord, puis par une décision expresse du 22 novembre suivant, M. C a acquis le terrain en question le 28 février 2012.

Cependant, le préfet du Gard a déféré à la censure du tribunal administratif de Nîmes les décisions des 19 et 22 novembre 2011, lequel a fait droit à cette demande eu égard au risque d’inondation auquel le terrain d’assiette du projet était soumis, en application de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme.

C’est ainsi que M. C a sollicité du même tribunal administratif la condamnation de la commune de Saint-Ambroix à réparer le préjudice qu’il estime avoir subi, du fait de l’illégalité des décisions précitées.

Ayant vu sa requête rejetée, M. C s’est pourvu en appel.

Avant d’étudier précisément les causes exonératoires ainsi que le préjudice allégué par l’appelant, la cour administrative d’appel de Marseille commence par rappeler le principe selon lequel l’illégalité des décisions des 19 et 22 novembre 2011 constitue une faute de nature à engager la responsabilité de la commune.

S’agissant des causes exonératoires de responsabilité, la commune soutient d’abord que la direction départementale des territoires et de la mer du Gard, service de l’Etat chargé de donner son avis sur la demande de permis de construire sollicitée par M. C, aurait, par négligence fautive, tardé à lui adresser son avis avant la naissance du permis de construire tacite, si bien le maire n’a fait que prendre acte de l’autorisation tacite en délivrant le permis de construire le 22 novembre 2011.

Les juges d’appel rejettent toutefois cet argument au motif, d’une part, que les services de l’Etat avaient communiqué au maire de la commune de Saint-Ambroix un projet d’arrêté refusant le permis de construire le 18 novembre 2011, soit la veille de la date d’expiration du délai d’instruction, et d’autre part, qu’en tout état de cause, le maire n’était pas tenu de délivrer ledit permis de construire.

La commune fait ensuite valoir que l’appelant aurait fait preuve de négligence fautive en n’attendant pas l’expiration du délai de recours avant de signer l’acte de vente du terrain d’assiette de la construction.

Cette argumentation est également infirmée par la cour administrative d’appel qui relève que l’arrêté de permis de construire a été délivré le 22 novembre 2011, alors que l’acte de vente a été signé plus de trois mois après, le 28 février 2012. En réalité, le délai de recours contentieux à l’égard du préfet a été prolongé du fait de la suffisance de la commune, qui n’a transmis l’arrêté au contrôle de légalité que le 13 février 2012.

La troisième cause d’exonération avancée par la commune retient pour sa part l’attention des juges d’appel. En effet, la commune démontre que le terrain d’assiette de la construction est, du fait de sa proximité immédiate de plusieurs cours d’eaux, soumis à un risque d’inondation, identifié dans le plan de prévention des risques d’inondation. Par ailleurs, ce risque avait été expressément précisé tant dans le compromis que dans l’acte de vente.

La cour administrative d’appel de Marseille considère donc que la négligence fautive de M. C est de nature à atténuer la responsabilité de la commune à concurrence de la moitié.

S’agissant désormais du préjudice, M. C sollicite à titre principal le remboursement du coût d’acquisition du terrain ainsi que les frais notariés et à titre subsidiaire la perte de la valeur vénale dudit terrain.

Néanmoins, ces deux postes de préjudices sont refusés par les juges d’appel d’une part parce que le prix d’acquisition et les frais notariés n’ont pas été versés en pure perte, et d’autre part parce qu’en l’absence de projet sérieux de vente de son terrain, M. C ne fait état que d’un préjudice futur et purement éventuel.

Partant, la cour administrative d’appel de Marseille rejette la demande de M. C.

CAA Marseille, 24 mars 2020, M. C, req. n° 18MA05471