Une personne publique peut écarter l’application d’une clause d’un contrat qu’elle estimerait « nulle et non écrite » pour l’avenir mais doit saisir le juge du contrat pour en demander l’annulation rétroactive

Une personne publique peut écarter l’application d’une clause d’un contrat qu’elle estimerait « nulle et non écrite » pour l’avenir mais doit saisir le juge du contrat pour en demander l’annulation rétroactive

CE, 13 juin 2022, Centre hospitalier d’Ajaccio, req. n°453769

Dans cette affaire, par une convention signée le 28 décembre 2009, le centre hospitalier d’Ajaccio avait recruté, à compter du 1er janvier 2010, un praticien, pour une durée d’un an renouvelable. Cette convention prévoyait, notamment, la perception d’une redevance de seize pour cent sur les actes réalisés au titre de l’activité libérale de ce praticien au sein de l’établissement. Toutefois, le 11 juillet 2017, le centre hospitalier émettait à l’encontre du praticien, un titre exécutoire d’un montant de 83 540 euros correspondant à la différence entre une redevance d’un montant de trente pour cent, que le centre hospitalier estimait devoir être perçue et le montant de la redevance effectivement versée par l’intéressé pour la période 2012-2016.

Par une lettre adressée au praticien en date du 20 septembre 2017, le centre hospitalier mettait le praticien en demeure de cesser toute activité libérale au sein de l’établissement d’une part, et l’informait de ce que la clause de la convention fixant la redevance à un taux de seize pour cent devait être regardée comme « nulle et non écrite », d’autre part. Le 16 avril 2018, le centre hospitalier émettait un second titre exécutoire, se substituant à celui du 11 juillet 2017, pour un montant de 75 786 euros pour la période 2013-2016.

Le praticien a alors saisi le tribunal administratif de Bastia pour annuler le titre exécutoire du 16 avril 2018, le décharger de l’obligation de payer et en réparation des préjudices qu’il estime avoir subi du fait de la rupture de la convention. Le Tribunal a fait partiellement droit à sa demande et annulé le titre exécutoire. Le jugement a été confirmé par la cour administrative d’appel de Marseille le 15 avril 2021.

Pour rejeter la requête en appel du centre hospitalier dirigé contre le jugement, la cour administrative d’appel, a jugé que si le titre de recettes était entaché d’une erreur de droit en ce que le montant de la créance y était déterminé en vertu de l’article D. 6154-10-3 du code de la santé publique, article applicable qu’aux seuls praticiens hospitaliers exerçant à temps plein (et prévoyant une redevance de 30%), le titre aurait également pu être émis en vertu de l’article L. 6146-2 du même code, mais que dans ce cas, les praticiens étaient placés dans une situation réglementaire et non contractuelle vis-à-vis de l’administration. La Cour concluait, qu’en tout état de cause, le titre de recette trouvait sa cause, non dans le contrat le liant au centre hospitalier, mais dans les droits définitivement acquis par celui-ci, en application de la décision individuelle dont il avait fait l’objet.

Le Conseil d’Etat, saisi d’un pourvoi par le Centre hospitalier d’Ajaccio, considère qu’en statuant ainsi, la Cour a commis une erreur de droit, dès lors qu’une convention conclue sur le fondement de l’article L. 6146-2 du code de la santé publique, fixant les conditions et modalités dans lesquelles un professionnel de santé exerçant à titre libéral participe aux missions d’un établissement de santé, est de nature contractuelle.

 

Puis, réglant l’affaire au fond, la Haute juridiction considère que «si le centre hospitalier d’Ajaccio soutient qu’il s’était, par sa décision du 20 septembre 2017 ayant indiqué à M. A… que la clause de la convention fixant la redevance à un taux de seize pour cent devait être regardée comme  » nulle et non écrite « , mis en mesure de rechercher, sur le fondement de l’enrichissement sans cause, le remboursement de la part non versée de la redevance qui lui était due au titre de l’exercice irrégulier d’une activité libérale, cette décision ne pouvait s’appliquer qu’à l’exercice par M. A… d’une activité libérale au sein du centre hospitalier pour l’avenir et n’a pu entraîner la disparition rétroactive de la clause de la convention conclue entre les parties, fût-elle illicite, une personne publique partie à un contrat administratif ne pouvant d’elle-même qu’en prononcer la résiliation et devant saisir le juge d’un recours de plein contentieux contestant la validité de ce contrat pour en demander le cas échéant l’annulation ». Or, le centre hospitalier n’avait pas, avant d’émettre le titre de recettes contesté, saisi le juge d’une demande d’annulation de la clause litigieuse. Le Conseil d’Etat considère alors que le requérant praticien est fondé à se prévaloir, pour la période antérieure à la décision du 20 décembre 2017, des stipulations de la convention qu’il avait conclue avec le centre hospitalier et à soutenir que le titre de recettes ne pouvait être émis au titre d’un enrichissement résultant, pour lui, de l’exécution de cette clause.

CE, 13 juin 2022, Centre hospitalier d’Ajaccio, req. n°453769