Le maire d’une commune est fondé à prescrire l’interruption des travaux entrepris sans permis de construire en vue de la reconstruction d’un bâtiment détruit après avoir subi un incendie
Pour mémoire, le régime de la reconstruction des bâtiments qui ont subi un sinistre – autrefois encadré par l’article L. 111-3 du code de l’urbanisme – est actuellement régi par l’article L. 111-15 de ce même code, dont les dispositions prévoient que « lorsqu’un bâtiment régulièrement édifié vient à être détruit ou démoli, sa reconstruction à l’identique est autorisée dans un délai de dix ans nonobstant toute disposition d’urbanisme contraire, sauf si la carte communale, le plan local d’urbanisme ou le plan de prévention des risques naturels prévisibles en dispose autrement ».
Il ressort expressément de ces dispositions que la reconstruction à l’identique de ces bâtiments suppose l’obtention préalable d’une autorisation d’urbanisme.
En l’espèce, la SCI Trottel Aja, qui n’a pas cru devoir solliciter la délivrance d’un permis de construire, a engagé la reconstruction d’un bâtiment exploité à usage d’espace de loisirs et de restaurant qui avait été démoli par un incendie survenu le 3 janvier 2017.
Par arrêté en date du 4 août 2017, le maire de la commune d’Ajaccio a mis en demeure le gérant de cette société de cesser immédiatement les travaux de construction entrepris.
Visiblement lésée par cette décision dont la nécessité était incontestable, la SCI Trottel Aja a sollicité du tribunal administratif de Bastia, d’une part, l’annulation de cet arrêté, et, d’autre part, de lui attribuer la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts.
Le tribunal administratif de Bastia ayant rejeté sa requête, la SCI Trottel Aja a décidé d’interjeter appel.
En effet, au visa de l’article L. 480-2 du code de l’urbanisme, les juges d’appel rappellent que la SCI Trottel Aja a bénéficié d’un permis de construire tacite le 21 janvier 2009, pour la réalisation d’un agrandissement par surélévation sur le toit terrasse du bâtiment dont elle est propriétaire cours Lucien Bonaparte à Ajaccio, afin d’y faire exploiter un espace de loisirs et de restaurant.
Or, il ressort de l’arrêt rendu par la chambre correctionnelle de la cour d’appel de Bastia le 10 juillet 2019 qu’à la date de l’incendie, survenu le 3 janvier 2017, l’extension était close, couverte et exploitée, ce malgré le fait que quelques finitions demeuraient à réaliser.
Quoique non conformes aux prescriptions du permis de construire et non déclarés comme tels, il s’en déduit que les travaux résultant du permis de construire avaient ainsi été achevés antérieurement au sinistre.
Malgré cet état de fait, l’appelante soutient au contraire que cette construction n’aurait pas été achevée à la date du sinistre et que le délai de validité du permis de construire tacite n’aurait commencé à courir que le 26 avril 2013.
Pour autant, quand bien même ce serait le cas, il s’infère de l’application de l’article R. 424-17 du code de l’urbanisme que le permis de construire n’aurait conservé sa validité que si les travaux commencés n’avaient pas été interrompus plus d’un an à partir du 26 avril 2016.
Or, il ne ressort pas des pièces du dossier que de quelconques travaux pour la réalisation de la construction, distincts de ceux induits par la sécurisation du site à la suite de l’incendie, n’aient été engagés entre le 26 avril 2016 et le 25 avril 2017.
Ainsi, en tout état de cause, le permis de construire tacite du 21 janvier 2009 était périmé au plus tard le 26 avril 2017.
A contrario, les juges d’appel relèvent à ce propos qu’aux termes du procès-verbal dressé le 3 août 2017, un contrôleur assermenté a constaté « la pose d’une structure métallique (poteaux) sur la toiture de l’établissement ».
Or, en ne démontrant pas que les travaux de reconstruction n’auraient pas débuté à cette date, l’appelante n’est pas fondée à soutenir que le maire aurait commis une erreur de droit ou une erreur d’appréciation en prescrivant l’interruption de ces travaux sur le fondement des dispositions citées ci-dessus de l’article L. 480-2 du code de l’urbanisme.
Dans ces conditions, la cour administrative d’appel de Marseille rejette la requête d’appel formée par la SCI Trottel Aja.
CAA Marseille, 10 mai 2021, SCI Trottel Aja, req. n° 19MA03236