Assurance dommages-ouvrage : le Conseil d’Etat précise le régime du délai de réponse de l’assureur et ses conséquences

Assurance dommages-ouvrage : le Conseil d’Etat précise le régime du délai de réponse de l’assureur et ses conséquences

A la faveur d’un arrêt rendu le 5 novembre 2021 mentionné dans les tables du recueil Lebon, le Conseil d’Etat rappelle, sur le fondement de l’article L. 242-1 du code des assurances, qu’en cas de déclaration de sinistre effectuée par son assuré, l’assureur dommages-ouvrage est tenu de lui répondre dans le délai maximal de soixante jours à compter de la réception de ladite déclaration, étant indiqué que cette obligation n’impose pas à l’assureur que sa réponse parvienne à l’assuré avant l’expiration du délai.

En l’espèce, dans le cadre de travaux de restructuration, d’extension et de mise à niveau d’une station d’épuration entrepris en 1997, la commune de Quimper avait conclu un marché public relatif à la police unique de chantier avec la société Lange, courtier en assurances mandataire de la société MMA IARD.

Les travaux ont été réceptionnés avec réserves qui ont ensuite été levées. Cependant, compte tenu de la réapparition de désordres, la communauté d’agglomération Quimper Bretagne Occidentale, à laquelle a été transférée la compétence en matière d’assainissement, a déclaré un sinistre le 27 avril 2010 à la société AON Assurances Risques Services, venant aux droits et obligations de la société Lange.

Le 25 juin 2010, après une expertise diligentée par ses soins, l’assureur dommages-ouvrage a estimé que les désordres allégués étaient apparents lors de la réception et avaient fait l’objet de réserves, de sorte qu’ils ne relevaient pas de l’assurance dommages-ouvrage souscrite par la communauté d’agglomération.

Les juges de première instance et d’appel ont fait droit à la demande du maître d’ouvrage tenant à la condamnation de l’assureur dommages-ouvrage

La communauté d’agglomération Quimper Bretagne Occidentale a saisi le tribunal administratif de Rennes d’une requête tendant à la condamnation conjointe des sociétés MMA IARD Assurances Mutuelles et MMA IARD, mandataires de la société Lange, aux droits de laquelle vient la société AON Assurances Risques Services, à lui verser une somme correspondant au préfinancement des travaux de réparation des désordres affectant la station d’épuration, ainsi qu’à la prise en charge des frais d’expertise.

Le tribunal administratif de Rennes, de même que la cour administrative d’appel de Nantes, ont fait droit à cette demande en condamnant l’assureur dommages-ouvrage à indemniser la communauté d’agglomération des préjudices subis.

Pour ce faire, les juges de première instance et les juges d’appel ont estimé que la société AON Assurances Risques Services n’avait pas respecté le délai maximal de soixante jours fixé par l’article L. 242-1 du code des assurances, en se fondant notamment sur la circonstance que le courrier du 25 juin 2010 par lequel cette société avait fait connaître son refus de faire jouer les garanties du contrat d’assurances n’avait été reçu par son assuré que le 29 juin 2010, soit plus de soixante jours après la réception par l’assureur, le 28 avril 2010, de la déclaration de sinistre envoyée par la communauté d’agglomération Quimper Bretagne Occidentale.

Les sociétés MMA IARD Assurances Mutuelles et MMA IARD se sont pourvues en cassation.

Le Conseil d’Etat annule l’arrêt attaqué, considérant que la cour administrative d’appel de Nantes a commis une erreur de droit dans l’application de l’article L. 242-1 du code des assurances.

Saisi de ce contentieux, le Conseil d’Etat rappelle, conformément aux dispositions prévues par l’article L. 242-1 du code des assurances, que « l’assureur dommages-ouvrage est tenu de répondre à toute déclaration de sinistre, en adressant à son assuré le courrier contenant sa décision quant au principe de la mise en jeu des garanties prévues au contrat dans le délai maximal de soixante jours suivant la réception de la déclaration de sinistre. A défaut, l’assureur ne peut plus opposer la prescription biennale prévue par l’article L. 114-1 du même code lorsqu’elle est déjà acquise à la date d’expiration de ce délai ».

Ainsi, la Haute Juridiction considère que l’assureur dommages-ouvrage dispose d’un délai maximal de soixante jours pour adresser à l’assuré sa décision sur la prise en charge du sinistre déclaré au titre de l’assurance, étant précisé qu’il n’est pas nécessaire que cette décision soit notifiée à l’assuré dans ce délai.

Or, la cour administrative d’appel de Nantes, qui avait estimé que la notification de cette décision devait impérativement parvenir à l’assuré dans le délai de soixante jours, a commis une erreur de droit.

En réalité, cette précision apportée par le Conseil d’Etat est importante, car le non-respect par l’assureur dommages-ouvrages du délai de soixante jours l’empêche en principe d’opposer à son assuré la prescription biennale de son action, en application de l’article L. 114-1 du code des assurances.

Toutefois, le Conseil d’Etat tempère l’impossibilité pour l’assureur dommages-ouvrage d’opposer la prescription biennale à son assuré lorsqu’il laisse passer le délai de soixante jours.

En effet, quand bien même l’assureur n’aurait pas respecté le délai de soixante jours prévu par l’article L. 242-1 du code des assurances, il peut néanmoins opposer la prescription biennale à son assuré lorsque ce dernier n’a pas engagé une action dans les deux ans suivant l’expiration du délai de soixante jours suivant la réception de la déclaration de sinistre.

En l’occurrence, lorsque la communauté d’agglomération Quimper Bretagne Occidentale a saisi le tribunal administratif de Nantes le 7 décembre 2012, sa créance était prescrite, la déclaration de sinistre ayant été reçue par l’assureur le 28 avril 2010.

Partant, en dépit du fait que l’assureur dommages-ouvrage n’aurait pas respecté le délai de soixante jours pour adresser à la communauté d’agglomération sa décision quant à la prise en charge du sinistre, il pouvait parfaitement soulever la prescription biennale devant le juge administratif.

Dès lors, le Conseil d’Etat juge que les juges d’appel, qui n’ont pas répondu à ce moyen, ont en outre entaché leur arrêt d’une insuffisance de motivation.

En définitive, le Conseil d’Etat annule l’arrêt attaqué et renvoie l’affaire à la cour administrative de Nantes.

CE, 5 novembre 2021, Société MMA IARD Assurances Mutuelles et autre, req. n° 443368

 

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