CJUE, 2 septembre 2021, Sisal SpA (C 721/18), Stanleybet Malta Ltd (C 722/19), Magellan Robotech Ltd (C 722/19) C/ Agenzia delle Dogane e dei Monopoli, Ministero dell’Economia e delle Finanze C 721/19 et C 722/19

CJUE, 2 septembre 2021, Sisal SpA (C‑721/18), Stanleybet Malta Ltd (C‑722/19), Magellan Robotech Ltd (C‑722/19) C/ Agenzia delle Dogane e dei Monopoli, Ministero dell’Economia e delle Finanze C‑721/19 et C‑722/19

Renouvellement d’un contrat de concession en application d’une clause de réexamen et portée des modifications, les précisions utiles de la Cour de Justice de l’union Européenne (aff. C‑721/19 et C‑722/19)

L’arrêt du 2 septembre 2021 de la CJUE, Sisal SpA, Stanleybet Malta Ltd, Magellan Robotech Ltd C/ ADM (aff. C‑721/19 et C‑722/19), concernant un renvoi préjudiciel, apporte des précisions sur le renouvellement d’un contrat de concession et la portée de modifications.

En l’espèce, en application de la législation nationale italienne, l’administration a lancé en 2010 une procédure d’appel d’offres en vue de l’attribution de plusieurs concessions d’exploitation des jeux de loteries. La règlementation nationale prévoit en effet que, la gestion de ces activités est attribuée en concession normalement à une pluralité de personnes sélectionnées à l’issue de procédures ouvertes, concurrentielles et non discriminatoires. Un seul contrat de concession a été conclu avec l’unique opérateur économique ayant soumissionné.

Deux caractéristiques sont prévues au contrat de concession à savoir, une possibilité de renouvellement à l’issue de la période initiale de neuf ans courant à compter du 1er octobre 2010 et le versement de redevances à l’Etat.

En octobre 2017, l’Etat italien a, dans le cadre d’un décret-loi, autorisé la poursuite du contrat de concession en cause, jusqu’à son terme ultime, de manière à garantir à l’Etat des recettes nouvelles et plus importantes. Le concessionnaire a été informé de cette décision de renouvellement à la condition du versement d’une redevance plus élevée selon de nouvelles modalités.

À l’occasion de ce renouvellement, trois sociétés ont formé un recours devant les juridictions nationales.

Dans le cadre de ce litige, le Conseil d’État italien a posé plusieurs questions préjudicielles à la CJUE présentant un réel intérêt notamment en tant que la CJUE est venue confirmer le bien-fondé de l’application d’une clause de réexamen prévue au contrat de concession ; et, rappeler la portée d’une modification substantielle pour l’écarter au cas présent.  

Conformément à l’article 43 § 1 sous a) et e) de la directive 2014/23/UE du 26 février 2014 sur l’attribution des contrats de concessions, ces derniers peuvent être modifiées sans nouvelle procédure d’attribution dans les cas suivants :

  • Lorsque les modifications, quel que soit leur montant, ont été prévues dans les documents de concession initiaux sous la forme de clauses de réexamen, dont des clauses de révision du montant, ou d’options claires, précises et sans équivoques. Ces clauses indiquent le champ d’application et la nature des modifications ou options envisageables ainsi que les conditions dans lesquelles il peut en être fait usage. Elles ne permettent pas de modifications ou d’options qui changeraient la nature globale de la concession.
  • Lorsque les modifications, quel qu’en soit le montant, ne sont pas substantielles.

Une modification est considérée comme substantielle, notamment, lorsqu’elle introduit des conditions qui, si elles avaient prévalu dans le cadre de la procédure initiale d’attribution de concession, auraient permis l’admission de candidats autres que ceux initialement admis ou l’acceptation d’une offre autre que celle initialement retenue ou auraient attiré davantage de participants à la procédure d’attribution de la concession, ou lorsqu’elle modifie l’équilibre économique de la concession en faveur du concessionnaire d’une manière qui n’était pas prévue dans le contrat de concession initial.

La Cour estime que l’article 43 paragraphe 1, sous a) de la directive concession (2014/23/UE) doit être interprété en ce sens « qu’il ne s’oppose pas à une réglementation nationale imposant le renouvellement d’un contrat de concession sans nouvelle procédure d’attribution, dans des conditions où celui-ci a été attribué à un seul concessionnaire, tandis que le droit national applicable prévoyait qu’une telle concession devait en principe être attribuée à plusieurs, au maximum quatre, opérateurs économiques, lorsque cette réglementation nationale constitue la mise en œuvre d’une clause contenue dans le contrat de concession initial prévoyant l’option d’un tel renouvellement ».

La Cour estime également que, l’article 43, paragraphe 1, sous e) de la directive concession doit être interprété en ce sens « qu’il ne s’oppose pas à une réglementation nationale qui prévoit, d’une part, que le renouvellement d’une concession sera décidé deux ans avant son terme et, d’autre part, une modification des modalités de paiement de la contrepartie financière due par le concessionnaire, telles qu’elles figuraient dans le contrat de concession initial de manière à garantir à l’État des recettes budgétaires nouvelles et plus importantes, lorsque cette modification n’est pas substantielle, au sens de l’article 43, paragraphe 4, de cette directive ».

La dernière question se réfère au recours contentieux contre la procédure (référé précontractuel)

Selon la Cour, l’article 43, paragraphe 4, de la directive concession et  l’article 1er, paragraphe 3, de la directive 89/665/CEE relatives à l’application des procédures de recours en matière de passation des marchés publics, doivent être interprétés en ce sens « qu’un opérateur économique peut introduire un recours contre une décision de renouvellement d’une concession au motif que les conditions d’exécution du contrat de concession initial ont été substantiellement modifiées, alors qu’il n’a pas participé à la procédure d’attribution initiale de cette concession, pour autant que, au moment où le renouvellement de la concession devrait intervenir, il justifie d’un intérêt à se voir attribuer une telle concession ».

Cette position est justifiée dans la mesure où un contrat de la commande publique substantiellement modifié constitue en réalité un nouveau contrat dont la passation aurait dû être soumise à des mesures de publicité et de mise en concurrence. Le renouvellement illégal d’un contrat de concession constitue une violation des principes de libre concurrence et de non-discrimination.