La liberté d’expression renforcée dont bénéficient les agents publics exerçant des fonctions syndicales doit être prise en compte afin d’apprécier la proportionnalité de la sanction devant être infligée à un agent ayant commis des agissements fautifs

TA de Versailles, 2 février 2023, M.A c/ Ministre de l’intérieur, req. n° 2102509

Dans un jugement du 2 février 2023, le tribunal administratif de Versailles a considéré que la proportionnalité d’une sanction disciplinaire infligée à un syndicaliste doit être appréciée au regard de la liberté d’expression renforcée dont il bénéficie.

En effet, le tribunal administratif de Versailles a classiquement rappelé que si les agents publics qui exercent des fonctions syndicales bénéficient de la liberté d’expression particulière qu’exigent l’exercice de leur mandat et la défense des intérêts des personnels qu’ils représentent, cette liberté doit être conciliée avec le respect de leurs obligations déontologiques et des contraintes liées à la sécurité et au bon fonctionnement du service. En particulier, des propos ou un comportement agressif à l’égard d’un supérieur hiérarchique ou d’un autre agent sont susceptibles, alors même qu’ils ne seraient pas constitutifs d’une infraction pénale, d’avoir le caractère d’une faute de nature à justifier une sanction disciplinaire.

C’est dans ce cadre que, statuant sur les faits de l’espèce, le tribunal administratif de Versailles a considéré que Monsieur A, gardien de la paix, avait commis une faute disciplinaire aux motifs que le tract litigieux mis en ligne sur le site internet du syndicat VIGI – ministère de l’intérieur :

– d’une part, excédait, par son caractère virulent et polémique et le discrédit qu’il jette sur les plus hauts responsables de la police nationale, y compris le ministre de l’intérieur, les limites de la liberté d’expression particulière dont bénéficient les organisations syndicales de la fonction publique en raison de la réserve à laquelle elles sont tenues à l’égard des autorités publiques, quand bien même ces limites sont moins strictes que celles s’imposant aux fonctionnaires eux-mêmes ;

– d’autre part, était de nature à jeter le discrédit sur la police nationale, à remettre en cause la confiance que les agents peuvent avoir en ses responsables et, par conséquent, est de nature à porter atteinte au bon fonctionnement du service. En outre, le tribunal administratif de Versailles a également considéré que le tract litigieux a été diffusé au-delà du seul cercle des agents dont le syndicat entend défendre les intérêts puisqu’il a été relayé sur les comptes Facebook et Twitter de ce syndicat.

Toutefois, le tribunal administratif a considéré que, en dépit de la gravité des manquements aux obligations déontologiques qui s’imposent à tout fonctionnaire, en particulier à un membre des forces de l’ordre, la sanction de la révocation, sanction la plus sévère sur l’échelle des sanctions, présente, au regard de la liberté d’expression renforcée dont bénéficient les agents publics exerçant des fonctions syndicales, un caractère disproportionné.

TA de Versailles, 2 février 2023, M.A c/ Ministre de l’intérieur, req. n° 2102509