L’action en responsabilité quasi-délictuelle des participants à une même opération de construction : une nouvelle exception au principe de l’effet relatif des contrats.

L’action en responsabilité quasi-délictuelle des participants à une même opération de construction : une nouvelle exception au principe de l’effet relatif des contrats.

Le Conseil d’Etat admet qu’un participant à une opération de travaux publics puisse rechercher la responsabilité quasi-délictuelle d’un autre participant, auquel il n’est pas contractuellement lié, en invoquant un manquement aux stipulations du contrat conclu avec le maître de l’ouvrage.

La commune du Havre et l’établissement public foncier de Normandie ont organisé une consultation dans le cadre d’un groupement de commandes en vue de l’attribution de plusieurs marchés de travaux en lots séparés pour la réalisation du pôle éducatif et familial.

La société coopérative métropolitaine d’entreprise générale (CMEG) a été chargée de la réalisation du lot « gros œuvre ».

La livraison du lot est intervenue six mois après la date initialement prévue.

Estimant que ce retard était imputable à l’entreprise Belliard en charge du lot « charpente », la société CMEG a saisi le tribunal administratif de Rouen d’une requête tendant à la condamnation de l’entreprise Belliard à lui verser une indemnité au titre des frais exposés en raison de son retard dans l’exécution des travaux.

Le tribunal administratif de Rouen, puis la cour administrative d’appel de Douai ont rejeté la demande de la société CMEG, la cour ayant jugé que :

« Dans le cadre d’un contentieux tendant au règlement d’un marché relatif à des travaux publics, le titulaire du marché peut rechercher, outre la responsabilité contractuelle du maître d’ouvrage, la responsabilité quasi-délictuelle des autres participants à la même opération de construction avec lesquels il n’est lié par aucun contrat de droit privé. S’il peut, à ce titre, invoquer, notamment, la violation des règles de l’art ou la méconnaissance de dispositions législatives et réglementaires, il ne saurait, toutefois, se prévaloir de fautes résultant de la seule inexécution, par les personnes intéressées, de leurs propres obligations contractuelles. » (CAA Douai, 17 décembre 2019, n°18DA00050).

En effet, en application du principe de l’effet relatif des contrats, la qualité de tiers au contrat fait obstacle à ce qu’il puisse se prévaloir, dans le cadre d’une action en responsabilité quasi-délictuelle, d’une inexécution du contrat, celui-ci ne faisant naître d’obligations qu’entre les parties.

Par son arrêt du 11 octobre 2021, à paraître au recueil Lebon, le Conseil d’Etat a introduit une exception à ce principe et jugé que, dans le cadre d’un litige né de l’exécution de travaux publics, le titulaire du marché peut rechercher la responsabilité quasi-délictuelle des autres participants à l’opération de construction auxquels il n’est lié par aucun contrat en faisant valoir notamment leurs manquements à leurs propres engagements contractuels vis-à-vis du maître d’ouvrage.

Dès lors, désormais, les participants à une opération de travaux publics peuvent rechercher la responsabilité quasi-délictuelle des autres participants auxquels ils ne sont pas liés par des relations contractuelles en faisant valoir qu’ils ont commis une faute résultant :

  • Soit de la méconnaissance de dispositions législatives et réglementaires ;
  • Soit d’un manquement aux règles de l’art ;
  • Soit d’un manquement aux stipulations des contrats conclus avec le maître de l’ouvrage.

CE, 11 octobre 2021, Société coopérative métropolitaine d’entreprise générale, req. n°438872.