L’entrepreneur, qui est également le maire de la commune pour le compte de laquelle ont été exécutés des travaux, n’est pas fondé à engager la responsabilité de ladite commune en raison de la nullité du contrat, dès lors qu’il a lui-même commis des fautes graves

Le conseil municipal de la Commune de Saint-Beauzeil avait conclu avec un entrepreneur individuel et maire de ladite commune un marché de travaux de rénovation des façades de l’église de Souillas. Par deux mandats de paiement, la commune avait versé à son cocontractant la somme de 43.773,60 euros.

Cependant, à la suite du contrôle de légalité effectué par le sous-préfet de Castelsarrasin, la Commune de Saint-Beauzeil a pris la décision de retirer la délibération par laquelle elle avait décidé de la passation du marché de travaux litigieux. Et par une nouvelle délibération, la Commune de Saint-Beauzeil a indemnisé l’entrepreneur à hauteur du montant total du marché, soit 43.773,60 euros.

Un contribuable communal a exercé une action en répétition de l’indu à l’encontre de l’entrepreneur devant le Tribunal administratif de Toulouse, cependant que, dans le même temps, le préfet du Tarn-et-Garonne a déféré les mandats de paiement ainsi que la délibération de la Commune de Saint-Beauzeil indemnisant l’entrepreneur.

Après avoir écarté l’application du contrat, le Tribunal administratif a condamné l’entrepreneur à reverser à la Commune la somme de 43.773,60 euros. L’entrepreneur, qui agissait sur le fondement de la responsabilité quasi contractuelle de la commune, a interjeté appel de ce jugement afin d’obtenir l’indemnisation des prestations effectuées correspondant au prix du marché.

La Cour administrative d’appel de Bordeaux rappelle que « le cocontractant de l’administration dont le contrat est entaché de nullité peut prétendre, sur un terrain quasi-contractuel, au remboursement de celles de ses dépenses prévues au contrat qui ont été utiles à la collectivité envers laquelle il s’était engagé. Les fautes éventuellement commises par l’intéressé antérieurement à la signature du contrat sont sans incidence sur son droit à indemnisation au titre de l’enrichissement sans cause de la collectivité, sauf si le contrat a été obtenu dans des conditions de nature à vicier le consentement de l’administration. Dans le cas où la nullité du contrat résulte d’une faute de l’administration, il peut en outre, sous réserve du partage de responsabilité découlant le cas échéant de ses propres fautes, prétendre à la réparation du dommage imputable à la faute de l’administration. A ce titre, il peut demander le paiement des sommes correspondant aux autres dépenses exposées par lui pour l’exécution du contrat et aux gains dont il a été effectivement privé par sa nullité, notamment du bénéfice auquel il pouvait prétendre, si toutefois l’indemnité à laquelle il a droit sur un terrain quasi-contractuel ne lui assure pas déjà une rémunération supérieure à celle que l’exécution du contrat lui aurait procurée. Toutefois, si le cocontractant a lui-même commis une faute grave en se prêtant à la conclusion d’un marché dont, compte-tenu de son expérience, il ne pouvait ignorer l’illégalité, et que cette faute constitue la cause directe de la perte du bénéfice attendu du contrat, il n’est pas fondé à demander l’indemnisation de ce préjudice ».

En l’espèce, pour rejeter la demande de l’appelant, la Cour administrative d’appel retient que celui-ci a été reconnu coupable, en raison du marché litigieux, des faits de prise illégale d’intérêt en tant que personne investie d’un mandat électif public, et condamné à ce titre au paiement d’une amende. De plus, les juges d’appel relèvent que l’entrepreneur était en situation de redressement judiciaire et ne l’avait aucunement précisé à la Commune, alors qu’il lui était interdit de soumissionner au marché en raison de sa qualité de maire de la commune. Enfin, la Cour juge que l’appelant avait artificiellement scindé son offre en présentant deux devis, afin d’obtenir un paiement partiel anticipé lui permettant de faire face à ses difficultés de trésorerie.

En définitive, l’ensemble de ces irrégularités constituant des fautes graves de nature à vicier le consentement de la commune, la demande de l’appelant est rejetée.

CAA Bordeaux, 6 juin 2019, M. D., req. n° 17BX01026